Après avoir constaté que j'avais scrupuleusement respecté les obligations contractuelles concernant les deux livres de la demanderesse, le tribunal déboute Mme Fradier de ses exorbitantes demandes de dommages-intérêts, me déboute de ma demande de dédommagement pour procédure abusive [après avoir constaté que j'avais correctement fait mon travail d’éditeur et que ma réaction de colère était due à la brutalité de la rupture de la demanderesse] et ordonne la résiliation des deux contrats en faisant partager les torts par les deux parties [et non pas aux torts exclusifs de l'éditeur, comme le souhaitait la demanderesse].
Cette dernière injonction me paraît injuste, en ce qu’elle me lèse moralement, en me dépossédant d’un travail d’éditeur âprement consenti 6 ans durant, et en m’imposant des frais de rapatriement des exemplaires en librairie. Je n'ai pas fait appel de cette décision. [màj du 28 août]
Jugement du tribunal
Par ces motifs, le tribunal
ORDONNE la résiliation des contrats d'édition et de cession des droits d'adaptation audiovisuels (…) aux torts partagés des parties, concernant les ouvrages Camino 999 et La colère des enfants déchus. INTERDIT aux éditions Après la Lune de fabriquer, de commercialiser ou de céder à des tiers des droits sur les œuvres, sous astreinte de 500 € par infraction constatée à compter du jour où le présent jugement sera définitif. DÉBOUTE Mme Fradier de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation, de publication judiciaire et de communication. DÉBOUTE les éditions Après la Lune de leur demande reconventionnelle en procédure abusive. CONDAMNE les éditions Après la Lune aux dépens de l'instance. DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. DIT qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
Jugement, morceaux choisis
“Ces retards de paiement ne représentent que 7,63% des paiements. Mme Fradier ne caractérise aucune inexactitude des comptes ni aucun arriéré de paiement actuel et il n'y a donc pas lieu d'ordonner aux éditions Après la Lune de justifier des précédentes redditions de compte.
“Mme Fradier repoche à l'éditeur d'avoir manifesté son hostilité, son mépris et sa volonté de lui nuire. Cependant, il ressort des faits de l’espèce et plus particulièrement des mails en date du 30 janvier 2009, que Mme Fradier a annoncé brutalement le 30 janvier à son éditeur la signature d'un nouveau contrat d’édition avec une société tierce sans l'avoir préalablement informé des négociations en cours. La véhémence des propos contenus dans les mails rédigés par le gérant de la maison d'édition le 30 janvier 2009 s’explique par le caractère brutal de l’annonce de la rupture des relations habituelles entre les parties. En tout état de cause, ces propos n’ont pas été rendus publics et l’auteur ne rapporte aucune preuve que M. Reboux ait tenu les mêmes propos envers des tiers. (…) Au demeurant, ainsi que l'indique Mme Fradier, elle connaissait la personnalité visiblement intempestive du gérant des éditions Après la Lune et ne peut en conséquence soutenir que les réactions épidermiques, mais ponctuelles, de ce dernier ont seules causé la perte du lien de confiance entre eux.”
Sur la résolution judiciaire :
“Il est établi que les relations directes entre les parties ont cessé à compter de janvier 2009, suite à l'annonce brutale de l'auteur de s'engager avec un nouvel éditeur.
“Il ressort des faits de l'espèce que l'annonce brutale par l'auteur de son souhait de quitter les éditions Après la Lune a été vécue comme une trahison par l'éditeur, qui avait jusque-là toujours respecté ses obligations dans les délais contractuels, voire même en avance et qui, en mesure de rétorsion, a exécuté ses obligations contractuelles avec des légers retards. Il s'ensuit que l'auteur ne peut imputer à la seule société Après la Lune la perte de confiance entre les parties alors que la brutalité de la rupture des relations habituelles des parties et l'envoi de courriers à des tiers pour annoncer faussement la résiliation des contrats d'éditions malgré la procédure en cours révèlent une certaine déloyauté et mauvaise foi dans la relation contractuelle avec son éditeur.
“Ces comportements réciproques rendent manifestement impossible la poursuite des deux contrats d'édition et il y a donc lieu d'en prononcer la résiliation aux torts partagés, compte tenu du manquement de chacune des parties à l’obligation d'exécuter loyalement et de bonne foi les conventions. En conséquence, il sera fait interdiction aux éditions Après la Lune d’exploiter et commercialiser les exemplaires de chacun des deux ouvrages.”
Sur les demandes d'indemnisation :
“Il y a lieu de débouter l’auteur de ses demandes de dommages et intérêts, aucun préjudice patrimonial, lequel étant purement hypothétique, n'étant établi, ainsi que de sa demande de publication judiciaire.”
Sur la demande reconventionnelle :
“L'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère pas en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, ou d'erreur grossière équipollente au dol.
“La demanderesse ayant partiellement prospéré dans ses demandes, la défenderesse est mal fondée à exciper du caractère abusif de la présente procédure et devra être déboutée de toute demande à ce titre.”
Sur les autres demandes :
“Il y a lieu de condamner les Éditions Après la Lune aux dépens de l'instance. En revanche, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties le montant de ses frais irrépétibles. Les parties seront donc chacune déboutées de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Compte tenu de la nature de la décision, il n'y a pas lieu d'en ordonner l'exécution provisoire qui n'apparaît pas nécessaire compte tenu des conséquences graves d'une mesure d'interdiction.”