vendredi 14 novembre 2014

Alexandre Grothendieck est mort, Jules Bénuchot perd un ami

Grothendieck en 1988
Cela fera moins de bruit que l'extraordinaire épopée de la sonde Rosetta, mais si vous prêtez l'oreille, vous en entendrez parler. Le mathématicien Alexandre Grothendieck vient de mourir à l'âge de 86 ans. Ce génie se fit connaître pour ses travaux sur la géométrie algébrique et la découverte de la cohomologie étale. La quoi? La cohomologie étale. Mais si, vous savez, ce truc qui servit de fondement pour faire passer les conjectures de Weil au stade de théorème! Son travail permit aussi à Gerd Faltings de démontrer la conjecture de Mordell, connue depuis sous le nom de théorème de Faltgins.
Bon. Maintenant que vous avez un peu mieux cerné les travaux du personnage, passons à sa vie…
Grothendieck avec le physicien Fernand Wouters
Contrairement à d'autres mathématiciens de génie (je pense à l'excellent, excentrique et ultramédiatisé Cédric Villani), Grothendieck n'avait de cesse de se faire oublier. Depuis plus de vingt ans, il vivait en ermite dans un village en Ariège dont le nom resta secret jusqu'à sa mort… Pourquoi, direz-vous, parler d'un mathématicien sur un blog, certes lunatique et aléatoire, mais avant tout inspiré par les choses de la littérature? 
La première raison tient à sa vie hallucinante, profondément romanesque, dont on peut lire un très intelligent résumé sur le site de son ancien collègue et ami Pierre Cartier ICI. Apatride, antimilitariste (il accepta d'être naturalisé français quand il eut la certitude qu'on ne l'emmerderait pas avec le service militaire!), écologiste précurseur (José Bové va jusqu'à dire que les zadistes de Sivens sont les "enfants de Grothendieck"), anarchiste (il fut poursuivi pour avoir hébergé un moine japonais sans-papiers!), Grothendieck refusa la médaille Fields (vendue aux enchères pour aider les combattants du Viet-Minh contre l'oppresseur US!), exigea que ses milliers de pages de notes conservées à l'université de Montpellier ne soient pas rendues publiques. Il se retira du monde des sciences après Mai 68, ne supportant pas qu'on l'accuse d'être un mandarin. Une vie hors du commun, dont on peut avoir une idée sur ce récit autobiographique publié sous le titre Récoltes et semailles, disponible ICI, et dans le documentaire qui lui fut consacré, Sur les traces d'un génie. Destin incroyable, donc, un peu à l'image de celui du physicien Ettore Majorana, à qui Étienne Klein consacra un très beau livre (que j'ai chroniqué ICI), ou de Grégory Perelman, ce mathématicien russe qui résolut la conjecture de Poincaré, refusa également la médaille Fields et vit isolé avec sa mère à Saint-Petersbourg.
La seconde raison pour laquelle la vie (et donc la disparition) de Grothendieck m'intéresse tient au fait que je travaille depuis quelques années sur un roman, L'Esprit Bénuchot, à paraître en avril 2016 chez Lemieux Éditeur, dans lequel il est question, entre autres choses, de physique quantique. On y rencontre des personnages fictifs, tel Jules Bénuchot, héros un peu fou qui note tout ce qu'il voit sur des carnets depuis 60 ans et se laisse engloutir par cet excès foisonnant de vies, mais aussi des personnages réels, tels que Serge Haroche, Étienne Klein, (mes deux guest-stars de luxe), ainsi que quelques disparus célèbres (ou moins célèbres) tels que Fernand Wouters, Ettore Majorana et Alexander Grothendieck. Par un curieux hasard (mais le hasard existe-t-il?), ce dernier meurt au moment précis où je me posais la question ; "Où vais-je bien pouvoir envoyer la missive l'informant qu'il apparaît fugitivement dans mon roman?" (puisque son adresse est tenue secrète).
La question ne se pose plus. RIP, Alexandre Grothendieck. J'irai déposer mon roman sur votre tombe.

1 commentaire:

  1. Bonjour,

    Je ne trouve rien concernant un physicien du nom de Fernand Wouters...quelqu'un peut-il éclairer ma lanterne ?

    Merci d'avance

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