dimanche 12 avril 2020

Tous au trou ! par Charles Maestracci (Journal d’un confiné #24)

Leitura Furiosa, Amiens, 2018. (Photo Pierre Mongaux)
Charles Maestracci est confiné à la ville, ou à la campagne, on ne sait pas très bien. Ce qui est certain, c’est qu’il le fut longtemps en prison. Il s’est fait connaître avec Je m’appelle reviens, préfacé par Jean-Patrick Manchette, sous le pseudo Alexandre Dumal.
Il collabore activement aux éditions L’Insomniaque, où a paru son plus que jamais actuel conte écologique La Colère du concombre amer. C’est aussi l’un des écrivains piliers de la manifestation Leitura Furiosa, organisée à Amiens par l’association de lutte contre l’illestrisme Le Cardan.
Quant au tenancier de ce journal foutraque, il eut le bonheur de publier les excellents Dans la cendre (Après la Lune) et Burundunga (Baleine), dans lequel un juge subit ce qu’on aimerait qu’il arrivât aux infâmes serviteurs zélés du pouvoir que sont les magistrats, procureurs, préfets, CRS, chefs de milice, etc.

Tous au trou !


Après les révoltes de prisonniers, qui avaient cramé plusieurs prisons en 1974, pour dénoncer leurs conditions de détention contraires à la dignité de la personne, le chef de l’Etat, Valéry Giscard d’Estaing, avait déclaré solennellement : « La prison, c’est la privation de la liberté d’aller et de venir, et rien d’autre ! »
  Tiens, tiens, la privation de la liberté d’aller et de venir…
J’y étais à ce moment là et je me souviens bien. Nous étions confinés à trois dans neuf mètres carrés, la bouffe était infecte, et nous avions droit chaque jour à une heure de promenade.
  Tiens, tiens, une heure de promenade…
Certains  avaient droit à des permissions de sortie avec, délivrée par l’autorité compétente, une autorisation officielle qu’ils devaient présenter en cas de contrôle policier.
  Tiens, tiens, une attestation officielle…
D’autres obtenaient, après avoir accompli une partie de leur peine de détention, une libération conditionnelle.
  Tiens, tiens, une liberté sous conditions…
Plus tard, d’autres encore, avaient obtenu une libération anticipée, mais avec le port obligatoire d’un bracelet électronique et l’interdiction de sortir d’un certain périmètre.
  Tiens, tiens, interdiction de sortir d’un certain périmètre…
Nous avions droit aussi à des parloirs, une fois par semaine, derrière des hygiaphones, des plexiglas.
  Tiens, tiens, des plexiglas…
Et puis, pour tout le monde, l’attente de la libération définitive. Sans contraintes ni conditions. 
Mais ce qu’il faut savoir, pour l’avoir subi, c’est que la prison est un non-lieu, un espace restreint de transit où l’on se retrouve par la force cloîtré. Uniquement là pour attendre, à égrener ce temps fort particulier. Celui qui est passé et celui qui nous mènera inéluctablement à la fin de l‘exclusion de la vie sociale.
  Tiens, tiens, égrener ce temps fort particulier…
Mais le temps est long pour les impatients — et j’en suis. Alors, dès que j’aurai retrouvé la liberté, pleine et entière, je retournerai dans les rues, masqué bien entendu, mais sans prendre de gants face aux condés chargés de la répression, qui suivent aveuglément les ordres de leurs chefs, petits et grands… Tous ces cons finis.
En souhaitant vous y retrouver pour scander à nouveau et encore plus fort :
« Ah ah ah ! Anti ! Anticapitalistes !
Ah ah ah ! Anti ! Anticapitalistes ! »
  À bientôt…
À demain, si vous le voulez bien  !
Les grandes questions survivront-elles au Covid-19 ? 
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