mardi 17 mars 2020

Monsieur, le masque vous va drôlement bien ! (Journal d’un confiné au temps du coronavirus, # 1)

Saint-Denis, place de l’Hôtel-de-Ville, 17 mars 2020, 16 h13 (4 h 13 après le début du confinement)
Muni de mon autorisation administrative de déconfinement pédestre temporaire, option castaner quater [je fais mes courses mais c’est pas pour faire le plein de PQ], je me rends au Carrefour de la place du Caquet, près de la basilique de Saint-Denis (où je ne mets jamais les pieds ; j'avais besoin d’une cartouche d’encre et mon estomac criant chocolat me poussait à cette exception).
La caissière de la caisse d’à côté, désœuvrée (sa caisse est réservée aux personnes à mobilité réduite, rares car confinées), me hèle. Brune, la cinquantaine, joyeuse : le genre de femme avec qui on se sent tout de suite en sympathie. (Je confesse une empathie bénuchote, quasi maladie  pour les caissières de supérette.)

« – Monsieur, le masque vous va drôlement bien !


– Vous allez me faire rougir, madame !
– Vrai, on dirait un médecin !
– Oh, madame…
– Il vous va beaucoup mieux qu’au monsieur ! »
Elle me montre le beau gaillard noir qui me précède à la caisse, lequel proteste en rigolant :
« – Mais je ne porte pas de masque, chère madame !
– Oui, je sais… Mais les masques ne vont pas bien aux Blacks, j’ai remarqué ! Regardez-le, lui…
La caissière hèle le vigile (noir, cela va de soi) dûment masqué, qui s’approche des caisses, baisse son masque comme il aurait ajusté des lunettes (qu’il ne porte pas), et me lance :
– C’est vrai que le masque vous va bien, monsieur !
– Pas autant qu’à vous, monsieur ! Soyons sérieux !
– Ah, tout de même…
– Ah, vous voyez !!!
La caissière “handicapés” se marre comme une baleine et échange quelques mots en loucedé avec son collègue. Nous rigolons un bon coup. Le Noir non masqué devant moi. Le Noir démasqué. Ma propre caissière, qui n’avait pas l’air dans son assiette, rit à son tour.
– Ah, ça fait du bien de rigoler, messieurs-dames, lancé-je à la cantonade.
– Oh que oui, ça fait du bien ! réplique la caissière. Ils ne pourront jamais nous enlever ça… Sans blague, vous avez vraiment l’air d’un toubib !


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