lundi 30 mars 2020

Des mercenaires investis d’une mission spéciale de sabotage, par Lilian Bathelot (Journal d’un confiné #13)

Lilian Bathelot, écrivain, dramaturge, réalisateur, est confiné dans le Languedoc. Je partage le coup de gueule fort pertinent qu'il vient de pousser sur sa page Facebook.

Je lis un peu partout que le gouvernement est composé d’incapables et de branleurs.
Je ne suis pas d’accord. 
C’est d’abord une bande de mercenaires investis d’une mission spéciale de sabotage. Et cette mission-là, ils la mènent avec une efficacité redoutable. Jusqu’au cœur de la crise sanitaire qu’ils voient d’abord comme une aubaine pour casser davantage encore.
Ce qu’ils font sans la moindre vergogne, car pour le capitalisme (qu’une novlangue infecte ne nomme plus jamais que libéralisme), la vie des humains n’a jamais été qu’une variable d’ajustement : les guerres sont des occasions formidables de construire des fortunes. Krups, Bayer, BASF ne vous diront pas le contraire.
Je lis aussi que ce gouvernement serait « imprévoyant ».
Pas d’accord, là encore.
Fraîchement élus ou nommés, ces mercenaires ont fait montre d’une grande prévoyance, au contraire. En commandant par exemple plusieurs années à l’avance des stocks impressionnants de « grenades lacrymogènes et de lanceurs de balles destinés au maintien de l’ordre ». (Il faut lire cette dernière phrase comme « du matériel de guerre destiné à réprimer les manifestations populaires ».) Car ils savaient déjà qu’ils en auraient besoin dans leurs basses besognes, et ils avaient raison. 
Casse programmée de l’hôpital public, des aéroports publics, des trains, de l’énergie, de l’éducation, mesures éhontément en faveur des riches, creusement indécent des inégalités, augmentation vertigineuse de la pauvreté...
Le peuple s’est révolté, et on a étouffé la révolte dans des répressions sanglantes, des mois durant.
Pendant tout ce temps, on n’a jamais manqué de matériel de répression. On a même récemment poussé la prévoyance jusqu’à acheter des stocks conséquents de munitions réelles.
Non, on ne peut pas parler imprévoyance.
Il manque de masques ? De gel ? De respirateurs ? De lits d’hôpital ? C’est juste la preuve que le job a été bien fait.  En huit ans, Hollande et Macron sont parvenus à faire supprimer 17.500 lits d’hôpital, à dilapider les stocks stratégiques de masques (des milliards) en les utilisant comme consommable (ce qui est prévu), mais sans les remplacer, pour maintenir le niveau des stocks. 
Quand, en décembre, les personnels de santé ont manifesté avec l’énergie du désespoir pour nous avertir qu’ils manquaient de tout, de lits, de matériel, de personnel, il n’a manqué ni arme, ni matériel, ni personnel de police et de gendarmerie pour réprimer leurs cris dans la fureur et le sang.
Et quand aujourd’hui, au moment où ce même personnel soignant gère une situation catastrophique dans une pénurie totale qui met jusqu’à leurs vies en danger (comme celle de nombreux travailleurs, des moins bien lotis et des malades), la grande démolition au profit des lobbys de la finance continue, aggravant encore le sort des forces vives en faisant exploser les bases du code du travail. En mettant à profit la peur, la confusion, la détresse du drame humain.
Quel cynisme faut-il pour oser cela ?
Celui de mercenaires aussi déterminés qu’impitoyables qui mènent méthodiquement leur mission sans souci des dégâts collatéraux qui ne sont que broutilles.

À demain, si vous le voulez bien  !

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