mercredi 29 avril 2020

Je venais de nourrir les renards du Père Lachaise quand les flics me sont tombés dessus, par Jules Bénuchot (Journal d’un confiné #44)

Jules Bénuchot vit à Paris, près du canal Saint-Martin. Il partage son temps entre le cimetière de Montmartre, où il nourrit les chats orphelins de M. Marcel, le cimetière du Père Lachaise, où il prend soin d’un couple de renards et de leurs deux renardeaux, et le cimetière de la fiction, où il est confiné à perpétuité.
Voici ce qui arriverait si ce vieux monsieur (très alerte et ayant toute sa tête) mettait les pieds dans une rue de Paris à l’heure du confinement, afin de s’adonner à son activité préférée : aller à la rencontre des gens. Ce qui, comme vous le savez, est mission impossible.

  – Police, papiers du véhicule, s’il vous plaît !
  – Papiers du véhicule ? Mais je suis à pied…
  – Ne faites pas le malin, monsieur ! 
  – Enfin, tout de même, monsieur l’agent, vous voyez bien que je suis à pied ! C’est un monde…
  – Vous utilisez bien vos pieds pour marcher ?
  – Euh, oui…
  – Alors présentez-moi votre attestation de déplacement !
  – Comment ça, autorisation de déplacement ? Il faut une autorisation pour…
  – J’ai dit attestation, pas autorisation, arrêtez de me prendre pour un imbécile.
  – Mais je peux très attester que je marche sans montrer mes papiers !
  – Il veut vraiment avoir des emmerdes, Pépère ?
  – Je suis resté poli, monsieur l’agent…
  – Que faites-vous dehors à cette heure ?
  – Je vais donner à manger à mes renards au Père Lachaise, voilà ce que je fais dehors ! Et puis quoi encore !
  – Bon, ça suffit, maintenant ! Pièce d’identité, attestation de déplacement, smartphone. Vous avez été testé ?
  – Mais vous êtes complètement maboule, ma parole !
  – OK. Okay-okay. Il veut la totale, le monsieur ? Eh ben, il va l’avoir ! Défaut d’attestation de déplacement, défaut de masque, défaut de gants, non respect des gestes-barrières, défaut de puce Covid-19, refus d’obtempérer, outrage, j’ai comme l’impression qu’il va exploser son minimum vieillesse, Papy !
  – Mais enfin, monsieur, c’est une blague !
  – Il veut pas plutôt retourner dans son Ehpad avec ses copains, au lieu de traîner dans les rues ?
  – C’est un abus de pouvoir, je vais en parler à mon avocat !
  – C’est ça !… Cindy ! Ramène tes fesses et un détecteur, j’ai une suspicion de Covid !

En attendant la fin du confinement, et la résurrection (prévue pour 2034) du roman L’Esprit Bénuchot, d’où Jules Bénuchot s’est échappé, bravant les interdits gouvernementaux, voici quelques balades dans les rues de Paris, publiées sur le site du roman, qui comportent 44 rubriques. Ça tombe bien, nous sommes aujourd’hui à J 44.


Si vous avez loupé les épisodes précédents :
Les linceuls n’ont pas de poches, par Philippe Leleux, libraire (#43)Faute de protections, des soignants souffrent, contaminent et succombent, par Mediapart (#42) Le corbeau au cerveau confiné et la couturière empêchée de fabriquer les masques (#41) / Mon cœur, mon cœur, calme-toi, ça va aller, on s’en sortira, par Anne Tardieu (#40) Plus terrible que le coronavirus : le macronavirus (Covid-22 à double souche outrage et rébellion (#39) / Grands prédateurs. Charles Ruggieri et Sophie Boissard, fondateur et PDG des Ehpad Korian (#38) / “T’as voulu voir le salon”, le tube de l’été confiné (#37) / Macron, tes « jours heureux », tu peux te les mettre quelque part ! (#36) / Voyage (anxiogène) dans le métro avec Le Parisien sous le bras et un autre à portée de postillon (#35) / La prophétie du canard madré (# 34) / Le 11 mai, ça ne passe pas, M. Blanquer, par Laurine Roux, enseignante (#33) / Si les hôpitaux ont tant souffert, ce n’est pas la faute d’un pangolin, mais celle du gouvernement, par Iven, infirmier aux urgences (#32) Exclusif. Le classement « ConfinFrance » des préfets préférés de Castaner (#31)

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