lundi 20 avril 2020

Voyage (anxiogène) dans le métro avec Le Parisien sous le bras et un autre à portée de postillon (Journal d’un confiné #35)

Lundi 20 avril 2020, 16h30. J35-ConfinFrance.  Saint-Denis (93).
Aujourd’hui, je fais exception à la règle qui consiste à ne pas parler de ma vie (privée, professionnelle) dans ce journal, qui est (mais je ne le savais pas) une sorte d’anti-journal (façon Onfray sans la brosse à reluire des médias et les lunettes en cinémascope).
Hier soir, tranquillement installé dans ma voiture de queue de la ligne 13, en compagnie d’un autre (et unique) voyageur téléphonant bruyamment à un ami, je regardais défiler les stations en essayant de ne pas trop penser au décor de Walking Dead dans lequel j’étais plongé. Place de Clichy. Deux voyageurs montent. Saint-Lazare, trois. Autant descendent. Champs-Élysées Clemenceau. Un et demi (une femme enceinte). Montparnasse, deux. Etc. On croit s’habituer à l’étrange sensation de malaise qui s’empare de vous quand vous mettez les pieds dans la ligne la plus encombrée du métro (quasi-déserte), en compagnie de quelques travailleurs (la plupart noirs, la couleur de leur peau accentuée par le blanc immaculé du masque) du soir ou du petit matin, mais en fait, on ne s’y fait pas. Un wagon de métro pour toi tout seul, il y a quelque chose qui cloche !
Pour m’extraire de cette “pararéalité” un chouïa angoissante, je jette un œil sur cet homme de 40 ans en train de se téléphoner, et qui me paraît bien parler à un sourd car il répète tout le temps les mêmes trucs. Et quelle n’est pas ma surprise de constater que son ami est tout de ce qu’il y a d’imaginaire. Ce qui donne encore plus d’effroi à son interminable logghorhée que je soupçonne d'être celle d'un homme frappé par une intense solitude, ou la schizophrénie. À moins que cet homme ne soit, tout bêtement, l'une des victimes malheureuses de ce virus grâce à qui les autorités planétaires ont trouvé un moyen efficace d’empêcher toute velléité de libération par la respiration à l'air libre.
L'homme disait.  “Non, non, mais tu peux sortir, tu sais… Il faut juste remplir la case sur ton papier. Tu coches la case, au choix… Oui, c'est ça… Si tu sors pour faire des courses, pour promener ton chien, tout ça. Tu peux sortir mais il ne faut surtout pas oublier de cocher la case ! Il ne faut surtout pas oublier de cocher la case car si la police voit que tu as une case de vide, ils te laisseront pas passer… Mais tu peux sortir, oui, pas de problème !” Il est descendu à Gaité. Et moi je n’étais pas très gai.
Un seul remède : le retour de la 7e compagnie !
Sarkozy trépigne au Cap Nègre. Que la pandémie cesse de tuer ? Non, que les affaires reprennent. (Authentique.)
Le retour possible de DSK. Dans l'antichambre, Manuel Valls piaffe.
Entretemps, un nuit a passé. Tranquille. Quand il n’y a pas d’urgences, je suis payé pour pioncer. Moins excitant que d’être payé pour raconter des histoires, comme Mmes Slimani, Darrieussecq et Cie, mais on ne va pas faire la fine bouche. Tu vivras de ta plume dans une autre vie, mon gars, estime-toi heureux d’être toujours vivant !
(dixit un député LREM, qui doit avoir des troubles de la personnalité)
Pendant que les muscles des sportifs fondent, l’esprit sportif demeure.
Donc, lundi 20 avril 2020, 6h45. J35-ConfinFrance. Paris 15e.
Comme chaque matin quand je suis de service de nuit, j’épluche en buvant mon café (rapidos, overdose de corona) la liasse de journaux pour les abonnés dont je veille sur le repos, que me tend le livreur. Un Libération, une douzaine de Figaro, autant de La Croix. Et deux Parisien. N’étant pas veilleur de jour, je n’ai pas droit au Monde Confiné.
Je confesse une petite faiblesse pour Le Parisien (jadis libéré), qui fut le premier journal national à parler de mes ennuis avec la police en 2006 et de mon canular de 2010 devant l’Élysée, du temps de Sarkozy. Depuis, les choses ont changé. Le Parisien est devenu l’organe officiel de la propagande macronique auprès du populo des comptoirs. Normal, puisqu’il est devenu, comme beaucoup de canards de ce pays, la propriété des obligés de Macron.

Confinement oblige, pas d’interview Trottoir-Express. Je cherche les pages Société. Rien. Politique. Rien. Pages Faits divers. Que dalle. Spectacles. Culture. Cinéma. Décoration. Rien. Chiens et chats. Horoscope. Développement personnel. Rien-rien-rien. Comme le chantait Pierre PerretTout, tout, tout, vous saurez tout sur le Covid… Maître Covid-19 n’a pas seulement détruit les poumons et la vie de 20.000 Français. Il a envahi l’espace, y compris publicitaire.
Le Parisien Covidé, donc, 28 pages couleurs. Moins 5 pages (météo, mots fléchés, annonces légales, attestation de déplacement covidesque pleine page. Le journal La Croix, beaucoup plus intelligent, et lisible, et humain, en met quatre sur la même page. [Penser à dire aux foules confinées qu’avec une étiquette et une paire de ciseaux on peut fabriquer assez d'attestations pour le mois.] Restent 23 pages. Que je vous reproduis sur le champ (et sur tous les champs, haut et bas).

Tout de même, dans ce canevas en quadrichromie anxiogène, deux informations “non-covid”.

La première concerne la mort mystérieuse d’un élève-ingénieur français au Danemark il y a deux ans.
La seconde, indirectement liée au confinement : l'agression brutale d'un motard par des policiers à Villeneuve-la-Garenne (qui donna lieu à des affrontements dimanche soir, à la suite desquels le journal Taha Bouhafs, qui divulgua l'affaire Benalla, bête noire de la Macronie, fut mis en garde à vue, avant d’être relâché). Agression évidemment qualifiée d’accident par Le Parisien.

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