mardi 28 avril 2020

Les linceuls n’ont pas de poches, par Philippe Leleux, libraire à Amiens (Journal d'un confiné #43)

Ancien ouvrier du livre, Philippe Leleux exerce depuis 1988, avec sa compagne Élise, la vieille et noble profession de libraire-éditeur, dans le quartier Saint-Leu d’Amiens, à deux pas de la cathédrale, où il est confiné.
C’est dans cette magnifique librairie posée entre deux canaux que nous nous retrouvons chaque année au mois de mai [sauf cette année], lors de la manifestation Leitura Furiosa, organisée par l’association de lutte contre l’illettrisme Le CardanLes éditions du Labyrinthe (roman, littérature en langue picarde, documents, poésie) ont publié une quarantaine de titres.

Depuis les images venues de Chine, début janvier, d'une ville dénudée de ses habitants par un virus atomisé  je ne suis pas tranquille et pourtant tout était fait pour nous tranquilliser. Comme si le gouvernement, surdiplômé d’État et d’économie, ne doutait de rien, protégé de tout ; des jacqueries jaunes, des « réactionnaires » rouges, des casseurs noirs et des verts boutonneux. Rien de cette horde bigarrée et résistante ne pouvait freiner nos sociétés en marche vers le confort des investisseurs et des actionnaires. La formidable soldatesque, mise en rangs serrés à coups de prime, allait mettre tout le monde d’accord à coups de trique : une seule voie était écrite et une seule voix la portait, médiatique et politique. Notre chemin était toujours le même, de la crèche à l’EHPAD, travailler plus, plus longtemps, exploiter toujours plus la nature en la griffant inlassablement de nos petits doigts de travailleurs. Le monde ira ainsi et jusqu’à sa perte au service de ce destin commun : plus vite, plus riche, plus fou, plus égoïste, plus schizophrène, plus meurtrier, plus ravageur.


Si vous avez loupé les épisodes précédents :
Faute de protections, des soignants souffrent, contaminent et succombent, par Mediapart (#42) Le corbeau au cerveau confiné et la couturière empêchée de fabriquer les masques (#41) / Mon cœur, mon cœur, calme-toi, ça va aller, on s’en sortira, par Anne Tardieu (#40) Plus terrible que le coronavirus : le macronavirus (Covid-22 à double souche outrage et rébellion (#39) / Grands prédateurs. Charles Ruggieri et Sophie Boissard, fondateur et PDG des Ehpad Korian (#38) / “T’as voulu voir le salon”, le tube de l’été confiné (#37) / Macron, tes « jours heureux », tu peux te les mettre quelque part ! (#36) / Voyage (anxiogène) dans le métro avec Le Parisien sous le bras et un autre à portée de postillon (#35) / La prophétie du canard madré (# 34) / Le 11 mai, ça ne passe pas, M. Blanquer, par Laurine Roux, enseignante (#33) / Si les hôpitaux ont tant souffert, ce n’est pas la faute d’un pangolin, mais celle du gouvernement, par Iven, infirmier aux urgences (#32) Exclusif. Le classement « ConfinFrance » des préfets préférés de Castaner (#31)

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