jeudi 30 novembre 2017

Kierol24, l'association de malfaiteuses littéraires qui fait revivre les éditions Après la Lune

L'eussiez-vous cru ? Les éditions Après la lune, en sommeil (et même en coma profond) depuis 2003, reprennent du service, en s'associant au collectif Kierol24, une association de malfaiteuses littéraires – le concept est nouveau, il faudra vous y faire – de Barcelone, de Paris et d'ailleurs, ayant décidé d'unir leurs forces pour contourner certaines vicissitudes du milieu éditorial aux temps du numérique.
Outre Kits Hilaire, qui ouvre le bal avec un roman inédit Ivan, allégresse et liberté, la réédition de son roman-culte Berlin, dernière et Mon grand-père et moi à Barcelone, on y retrouve Adèle O'Longh (Les montagnes dans les nuages, Hoebeke), Elise Fugler (dont j'ai publié Les Frigos ont horreur du vide et L'Art du mou), Olaya Sants et quelques autres…
Livres disponibles aux formats papier et numérique. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de la librairie après la lune.

mercredi 15 novembre 2017

Je me souviens de Max-André Doppia

Max-André Doppia, anesthésiste-réanimateur au CHU de Caen, président d'Avenir hospitalier, très engagé au niveau syndical, notamment sur la souffrance au travail et le burn-out, est décédé le 11 novembre des suites d'un accident vasculaire cérébral, à l'âge de 64 ans. Il fut à l'origine de la campagne Dis doc, t'as ton doc ? De nombreux acteurs du monde hospitalier lui rendent hommage sur What's up, doc ?
Dans les années 1980, Max était, avec son épouse Elisabeth, mon voisin à Caen, rue Écuyère. Nous nous sommes tant marrés. Nous nous sommes tant aimés. Repose en paix, Maxou.



Je me souviens que Max était l'homme le plus délicieux de la rue Écuyère
Je me souviens qu'il habitait juste au-dessous de chez moi, avec Elisabeth
Je me souviens que je les trouvais beaux tous les deux et qu'ils me renvoyaient l'image apaisée de gens heureux, toujours prêts à partager
Je me souviens qu'au début Max m'intimidait un peu parce que je n'avais pas l'habitude de parler à un médecin ailleurs que dans un cabinet
Je me souviens que quand il apprit que j'écrivais de la poésie, Max me donna le sobriquet de "Poète" et qu'il me présentait en ces mots lorsque j'étais de leurs invités
Je me souviens de notre complicité immédiate, permanente, irréductible
Je me souviens que nous partagions les mêmes appétits, les mêmes révoltes, les mêmes engouements
Je me souviens que nous éprouvions la même détestation de l'injustice et de toutes les saloperies, petites ou grandes, du monde qui nous entourait, et dans lequel nous étions bien obligés de vivre
Je me souviens que l'homme qui cristallisait à lui seul, à l'époque, cette détestation, s'appelait Martial Legoupil, notre propriétaire commun, un petit homme stupide et fourbe comme le renard dont il avait pris le nom
Je me souviens que Martial Legoupil voulait expulser Elisabeth et Max pour un motif irrecevable et que Max décida d'entrer en résistance, avec la même énergie qu'il le fit quinze ans plus tard lorsqu'éclata la guerre en ex-Yougoslavie
Je me souviens que Martial Legoupil ne supportait pas je laisse mon Solex jaune dans le hall d'entrée et qu'un jour il le mit à la rue, comblant le hall de planches, de parpaings, de bouteilles de gaz pour m'empêcher de garer mon Solex, et qu'il prétendit agir ainsi à la demande de mes voisins les Doppia
Je me souviens que Max et moi décidâmes de ne pas nous laisser faire, et passâmes un pacte secret, dont Elisabeth, notre consultante-psychologue en bêtise humaine, n'eut que de brefs échos, pour nous débarrasser de Martial Legoupil
Je me souviens qu'un soir Max produisit une liste de produits efficaces et rédhibitoires, aisément accessibles de par sa profession de médecin-anesthésiste, pour nous débarrasser de Martial Legoupil
Je me souviens que d'un commun accord tacite, nous ne passâmes jamais à l'acte
Je me souviens que quand je rentrais tard le soir du cinéma où je travaillais comme ouvreur, un petit plat exquis m'attendait souvent dans ma cuisine, parfois accompagné d'un verre de vin
Je me souviens qu'à mes remerciements confus Max répondait de sa belle voix élégante, savoureuse et roublarde : "C'est un honneur pour nous de nourrir un poète !"
Je me souviens que Marx était un cordon bleu, qu'Elisabeth ne s'en plaignait pas, et que son intérêt pour la cuisine avait quelque chose à voir avec l'éthique
Je me souviens que j'aimais écouter Max me raconter des histoires d'hôpital, d'urgences, de salles de garde, parfois sordides, souvent drôles, comme celle de cette employée du CHU qui faisait la grosse commission à l'hôpital pour économiser le papier toilette
Je me souviens qu'un jour que je lui avouai mon admiration pour la profession qu'il exerçait, il me répondit : "Tu sais, Poète, un bon médecin, c'est d'abord quelqu'un qui a une bonne mémoire !" – Et beaucoup d'empathie ? – Et beaucoup d'empathie, je te le concède. Même si ce n'est pas toujours le cas…
Je me souviens de la rage qu'il éprouva au moment du siège de Sarajevo et de l'énergie incroyable qu'il déploya pour expédier dans cet enfer des arbres, des médicaments, et tant d'autres choses
Je me souviens qu'il avait refusé de recevoir Bernard-Henri Lévy parce que celui-ci exigeait de débarquer en hélicoptère sur l'une des plages du Débarquement
Je me souviens de sa voix sèche, méconnaissable, au bord de l'abîme, lorsqu'il m'apprit le décès de leur petite Névéna emportée par une méningite foudroyante
Je me souviens que je n'avais pas revu Max depuis longtemps mais que de temps en temps un petit mot arrivait par le Net ou par texto, on t'aime, poète !
Je me souviens que le 10 novembre, j'ai posté sur la page Facebook de Max un spot publicitaire de l'association Oxfam faisant un parallèle entre la corruption mondiale et un casse dans un hôpital, avec ce petit mot : "Tu as vu ça, Max ?"
Je me souviens que, surpris de ne pas avoir de réponse, je suis allé voir sur sa page et que c'est de cette façon affreuse que j'ai appris la terrible nouvelle
Je me souviens que Max était l'homme le plus délicieux de la Terre

samedi 4 novembre 2017

"Con-vocations", lipogramme (à la con)

Je retrouve dans mon disque dur ce lipogramme oublié, écrit – lors dune surveillance dexamen – avec les lettres du mot "CONVOCATION".
Lipogramme, du grec leipogrammatikos, de leipein (enlever) et gramma (lettre). Figure de style consistant à produire un texte d’où sont délibérément exclues certaines lettres de l’alphabet.
Gustave Courbet, L'origine du monde

CON-VOCATIONS

Antonin Canson, avocat à Nation, convia à son toit Tania, avoisinant canon convaincant.
   – Tania… Actionnons nos cons, nos vits…
Son invitation atona Tania.
   – Nos cons ? Nos vits ?
   – Constatons : ton vaccin vit sans soin, sans innovation…
   – Ton “vaccin” ?!?
Antonin Santon, convoitant son con, insista.
   – Nos voisins sont vacants. Saisissons nos occasions ! Noçons ! Coïtons ! Action !
   – I cant ! tintonna Tania.
   – Con nana non sain ?
   – NON ! NO ! NANNI ! NAO ! NIAT !
Convaincant savon sanctionnant ? Non. Vain scantion.
Antonin avança :
   – Ton saint Vatican tait ta vocation, catin !
   – Vatican sans saison, nota Tania. Vainc ta vaticination, Canson !
Antonin, coi, cita Caton.
   – “Va, vis, vois…”
   – Vis ton coït sans Tania, noçant avocat ! Tintin ! Na !
Sa citation tint Antonin sans ton.
Tania contint ainsi son voisin :
   – Coin-coin.