lundi 16 décembre 2019

“Macron Ier et les soudards de la raie-publique”, conte de janvier

Macron Ier écrasant la révolte des Gilets jaunes
Ce billet névralgique et énervé, d’un total mauvais esprit mais très documenté, m’a été inspiré par la géniale caricature [ci-contre] du dessinateur roumain Bogdan Petr.

Tout petit, Emmanuel Macron, enfant surdoué de la bonne bourgeoisie d'Amiens, parents médecins, rêve de Thiers, Néron, Napoléon, Lino Ventura, qui lui serviront de modèle pour ses figurines en pâte à modeler. Sa mère, qui préfère le parquet au lino, détruit  les miniatures du catcheur. Le jeune homme en éprouvera une aversion totale pour le sport et le 7e art et se réfugiera dans le théâtre. C’est ainsi qu’il tombera amoureux de celle qui l'initiera aux émois de la chair, de vingt-cinq ans son aînée, membre de l’illustre famille Trogneux, cinq générations de savoir-faire. Macron, macaron, il suffit d’ajouter un ”a” : celui de l’amour, bien sûr !
L‘aventure scandaleuse déplaît aux parents Macron, qui éloignent leur petit de la bonne ville d’Amiens. Certains font remonter à ce moment, douloureux – ce n’est pas parce qu’il nous accable de sa morgue élyséenne et se délecte des yeux crevés par les CRS que nous mimiserons l’affaire – le manque d’empathie patent de l’actuel président à l’égard de celles et ceux pour qui la vie n’est pas facile, et sa fascination pour ceux qui écrasent leur révolte. L’affaire est un peu plus compliquée que cela… Mais ne brûlons pas les étapes, et faisons une pause ”pain au chocolat” avec le regretté Joe Dassin.
Lors d’un voyage à Venise avec ses camarades de la Providence, l’année de ses quatorze ans, le jeune homme est ébloui par un tableau de Fransesco Guardi et fait le serment qu’il sera banquier. Ce rêve, longtemps resté secret, nous a été rapporté par le futur député insoumis François Ruffin, à qui Macron donnera le sobriquet affligeant de Botulique parce que son père était embouteilleur chez Bonduelle. [pitoyablement authentique] Pour donner le change, il fait sciences-po, s’inscrit au PS et néglige ses fréquentations. Devenu apôtre de la maison Rothschild, il apprend vite l’art (tout aussi délicat) de la courbette carnassière, de la double comptabilité, de l’évasion fiscale et du verrou de Bercy.
Fransesco Guardi, peint par Giuseppe Bertini. Ce n’est pas le tableau ci-dessus évoqué, chassé de Google à la demande du président Macron, lors de la visite de Mark Zuckerberg à l’Élysée.
Devenu ministre des phynances de François Ier dit le Pleutre, il souffle à l’oreille de ce dernier [la scène se passe dans la loge présidentielle du stade de France] : « Les manifestants, il faut leur en foutre plein la gueule, Pleupleu ! Regarde les mecs, comment ils se bouffent les couilles ! Tu crois que c’est pour gagner ? Non, c’est pour la cogne, mec ! Si tu veux faire la loi, il faut COGNER ! »
D’abord sceptique, François le Pleutre se dit qu’un peu de virilité pourrait rehausser son image d’homme d’esprit timoré, peu prompt à la castagne, et finit par se ranger à son avis. « Nous cognerons, monsieur le ministre, et celui qui continuera à me nommer Pleutre en sera pour ses frais. » Ainsi naîtront les premières manifestations autour d’un bassin (celui de l’Arsenal) de la République, rebaptisée raie-publique dans la correspondance, brève mais intense (nous vivons à l’âge des SMS !), que le jeune Macron entretiendra secrètement avec un certain Benalla, rencontré dans un cercle de jeux de la rue Bassano, et dont il tombera sous le charme pour des raisons qui ne nous regardent pas.
Sept énucléés pour raison d’État, par Christophe Castaner (début XXIe siècle)
Devenu président de la République grâce à un hold-up aussi génial qu’improvisé (Lupin, Spaggiari et Mesrine s’en luxeront le squelette dans leur tombe), le toujours jeune Macron abandonne ses lubies puériles de ratiocineur administratif et recrute quelques centaines d’imbéciles qu'il élève au grade de député, non sans les avoir contraints à la trépanation dite ”du godillot”. Certains, rares, seront épargnés pour faire bonne figure. [Le cas de la porte-parole Sibeth Ndiaye est plus délicat – qu’on ne compte pas sur nous pour dévoiler un secret médical !]
La révolte des Gueux Jaunes éclatant, il réalise enfin les fantasmes inavoués de soudard sans foi ni loi de son enfance, grâce aux exécuteurs de basses-œuvres Castaner (qui arrachait les ongles des animaux quand il était môme), Strodza (le mec dont on ne parle jamais, qui dirige d'une main de fer son cabinet), Blanquer (dont le QI, tragiquement, baisse de jour en jour), Pénicaud (dont les problèmes d’élocution font les choux gras des gazettes), Belloubet (honnie par ses voisins à cause de ses déclamations glossolaliques du Code pénal), Lallement (dont il jalouse secrètement le port altier post-nazi, on lira ici pourquoi).
L’homme de Macron énucléant le peuple (début XXIe) d’après Krokus
Macron, qui rencontre de temps en temps Sarkozy dans un ancien claque de la rue de Lauriston reconverti en fumerie d’opium pour VIP, se fait très vite à la vie élyséenne. Il tape sur tout ce qui bouge dans le sens qui ne lui convient pas : les pauvres, les moins-que-rien, les pue-la-sueur, vêtus de jaune ou pas, les femmes, les infirmières, les pompiers, les jeunes, les retraités, les cheminots, etc. Mais l’homme n’est pas seulement mû par la haine. Il est fasciné par Laurent Berger, qui lui fut présenté par un homme fort bien pourvu sous les ors de la raie-publique, lors d’une partie de chasse en Sologne, sur les terres d’un nobliau dont le nom ne sera pas ici dévoilé car cela nous conduirait tout droit au cachot.
C’est à cette partie de chasse qu’il fait la connaissance de Jean-François Cirelliancien grand chef des gaziers, qui lui parle de Larry Fink, PDG du fond de pension US BlakRock, dont Cirelli dirige la branche française.
Macron, qui n’a jamais tiré un coup de fusil de sa vie mais jouit, rappelons-le, de l’odeur âcre du gibier agonisant bouillonnant dans son sang, jubile !
Killer Fint et Killer Macron à l’Élysée. Killer Cirelli ailleurs (mais pas loin)
Ce petit monde se revoit à l’Élysée à l’automne 2017 devant un château-latour 1954 offert par Romain Goupil et scelle un pacte (on s'instruira en lisant le feuilleton en 12 épisodes du site Les Jours) pour réformer le très compliqué système des retraites par répartition et le remplacer par un système beaucoup plus simple : la retraite par capitalisation. Tu veux mourir pas trop dans la mouise ? Tape 3615 BlakRock.
L’ancien chiraquien Jean-Paul Delevoye, qui connaît chaque maire de France par son petit nom et siège dans 17 organisations secrètes, dont la firme Parallaxe, liée à BlackRock, qui lui verse une misère de 5.300 € mensuels pour grignoter du jeton de présence, est désigné pour faire le taf. Manque de bol, comme 3/4 des macroneux embauchés par le petit homme d’Amiens, il fait des conneries et doit démissionner, alors que des hordes de Français sillonnent les rues pour réclamer le retrait du machin.
Delevoye passant la patate chaude à Pietraszewski (18 décembre 2019)
Macron, qui ne retrouve pas le 06 de son conseiller “social-travail”, avec tout ce bordel, propose le poste à Nicole Nota, qui décline [comme sa vue, qui a baissé). Un SMS de l’increvable Benalla (qui a repris le meublé secret de Jawad Bendaoud à Saint-Denis, où il compte se présenter aux municipales) lui glisse alors le nom de Laurent Pietraszewski, ex-PDG d’Auchan, qui ne risque pas d’avoir peur des milliardaires de la SNCF puisqu’il vira une caissière pour une erreur de caisse de 0,80 € et la récupération d'un pain au chocolat brûlé offert à un clientPietraszewski, qui a besoin de se refaire car il a déjà dépensé les 71.872 € d’indemnités versés par Auchan pour bons et loyaux services, hésite. Alléché par la cagnotte prélevée sur les fonds secrets de Matignon qui lui est proposée, il finit par relever le défi.
Nous sommes le mercredi 18 décembre 2019. Macron rit encore, mais de plus en plus jaune. Sa femme passe de plus en plus de temps au téléphone avec François Berléand, et il semblerait qu’ils ne parlent pas que de pains au chocolat ! Un rapport de la DGSI, que nous nous sommes procuré, l’informe qu’un peu partout dans le pays, des potences sont dressées, badigeonnés de plumes, de goudron et d’un liquide répulsif destiné à ces petits fumiers de manifestants qui veulent tout casser, dérobé grâce à un régisseur ”retourné” de la CRS 237. Mais dans son palais, à l’instar de Nicolas Minus à la fin de son règne, ses rêves ont une tout autre consistance : Macron le Roquet, roi bientôt déchu des soudards de la raie-publique, se voit monter à l’échafaud, et ce qui se passe alors est tellement effroyable qu’il se relève, comme aux pires nuits de son enfance, quand les crises d’énurésie transformaient son lit en une rivière âcre !
Le 17 février, alors qu’il se rend avec son épouse aux théâtre des Bouffes du Nord pour y voir une pièce intitulée “Les Mouches”, un mouchard (qui ne se trouvait sans doute pas là par hasard, puisqu’il s’agit de Taha Bouhafs, ce désolant fumeur de chicha qui filma les coups de matraque de son ami Benalla), alerte le vulgum pecus par un Tweet. Quelques minutes plus tard, une horde de pouilleux réveillés en pleine nuit (ce qui explique qu’ils n’aient pas eu le temps d’enfiler leur gilet jaune) essaient de s’introduire dans le théâtre.
De retour à l’Élysée, dépité, au bord des larmes, Macron se demande s’il a vraiment eu une bonne idée en convoquant 250 PDG estampillés ®DavosBand au château de Versailles, le lundi 20 janvier, et en remettant ça le lendemain à l’Élysée avec des nationaux.
La suite de cette histoire vous sera narrée à J47 (environ) du déconfinement.
A SUIVRE…
En attendant…  à demain, si vous le voulez bien  !
Si vous avez loupé l’épisode précédent, cliquez ci-dessous 

Je ne vous pardonnerai pas, par Mathieu Yon 

lundi 2 décembre 2019

“Graffeur, artiste et vandale”, “Rap français, les femmes de l’ombre“, deux documentaires de Gabrielle Niang

Comment le graffiti a évolué en 30 ans ? C’est le thème du deuxième documentaire de Gabrielle Niang (ma petite reine de Brut !), intitulé Graffeur : artiste et vandale.

Le premier, Rap français, les femmes de l’ombre est également en ligne sur Brut.

mardi 26 novembre 2019

Les promesses du président Sebastián Piñera aux carabiniers se concrétisent : la France va apporter son savoir-faire au Chili, en matière de répression

Ill. Nantes Révoltée
Dimanche 24 novembre 2019, 37e jour de mobilisation au Chili (rappelons que son point de départ fut une révolte contre l’augmentation du ticket de métro), le président Sebastián Piñera, en visite à l’École des sous-officiers des carabiniers, a communiqué une série de mesures liées à la situation de crise sociale, sous la forme d’un projet de loi pour que les forces armées puissent collaborer dans la protection des infrastructures du pays, déclarant : “Nos carabiniers et la police d’investigation ont besoin du soutien du gouvernement pour restaurer la dignité de notre police.”
Son discours est visible ici.
Le président multimilliardaire chilien a également évoqué le nombre de troupes qui entreront au service actif des carabiniers et de la police d'investigation (PDI) dans les prochaines semaines, après certaines dispositions prises dans le domaine de l'ordre public, déclarant :
“Je tiens à annoncer que, grâce à la réintégration du personnel récemment retraité avec de bonnes qualifications, et à l'anticipation de la remise des diplômes des nouvelles générations des écoles d'officiers et de sous-officiers des carabiniers et de la police d'investigation, dans les 60 prochains jours, nous allons augmenter de 4.354 le nombre de carabiniers et de policiers pour protéger la paix et la sécurité des citoyens.”
Cet accord pour la “paix et la sécurité”, véritable insulte aux victimes de la répression, qui constitue ni plus ni moins un appel à la reddition par la force, comprend :
* La réintégration des policiers à la retraite
* Une sortie anticipée des écoles de police (sans instruction complète)
* Plus de ressources pour les carabiniers
* Plus de pouvoirs pour les carabiniers (modernisation)
* Plus d’attributions présidentielles (militaires à la rue sans état d’exception)
* Conseil international en matière de police (France, Espagne et Angleterre).
Ces informations sont confirmées mardi 26 novembre par le sous-secrétaire d’État à l’Intérieur Rodrigo Ubilla sur le site (en espagnol) El Mostrador.
La France, qui avait déjà apporté son aide au régime du général Pinochet en 1973, comme le rappelle Nantes Révoltée, va donc apporter son aide et son sinistre savoir-faire en matière de maintien de l’ordre et de répression au Chili.

lundi 25 novembre 2019

dimanche 24 novembre 2019

Chili. Daniela Carrasco, Albertina Martinez Burgos, Carolina Muñoz Manguello, trois femmes victimes des escadrons de la mort

La sanglante répression par les carabiniers, la police militaire du Chili, pays où 23 personnes ont été tuées, 220 éborgnées, 2.500 blessées, des femmes violées (70 plaintes de violences sexuelles par les forces de l’ordre), 7.000 arrêtées), s’est accompagnée de ce qu’il faut bien appeler des “escadrons de la mort” (de sinistre mémoire en Argentine et dans d’autres ex-dictatures d’Amérique latine), dont certains, on le lira plus bas, ne se donnent même pas la peine d’agir en secret.
Albertina Martinez Burgos / Daniela Carrasco, dite “La Mimo”
En octobre, Daniela Carrasco, 36 ans, artiste de rue surnommée La Mimo car elle apparaissait déguisée en clown, était découverte pendue à un arbre, quelques heures après son arrestation par la police, après avoir été violée et torturée (après que l’on eût tenté de faire croire à un suicide…).

Le 22 novembre, Albertina Martinez Burgos, 38 ans, photographe militante ayant couvert les manifestations et effectué un travail d’investigation sur les violences militaires et policières au Chili, était retrouvée assassinée chez elle. Tous les disques durs de son ordinateur ont disparu. À lire sur le site Persil.
Le même jour, Carolina Muñoz Manguello est enlevée pendant une manifestation, comme le rapporte Tenemos Notifias qui publie la vidéo de l’enlèvement [ci-dessous] dans un article intitulé : Comme sous Pinochet. Comment les carabiniers font disparaître des manifestants. Elle n’a pas reparu depuis.
À ces trois exemples, qui constituent la partie visible de cet iceberg de terreur imposée par un régime qui n’a rien à envier à celui de Pinochet sur des manifestants (en l’occurence, des femmes), ajoutons le cas, rapporté par le site piensaChile.com, de cette femme déshabillée par des militaires lors d’une manifestation, sur la place du tribunal, dans la ville de Concepción.
 
À l’image d’un Castaner ou d’un Macron niant les violences policières contre les Gilets jaunes, le président chilien Sebastian Piñera, dont on connaît les nombreuses « parentés » avec le régime Pinochet, a déclaré à l’école des sous-officiers des carabiniers [vidéo ici] « Il y a eu un usage excessif de la force,  il y a eu des abus et on n’a pas respecté les droits de tous ». Parmi les mesures annoncées à cette occasion, on apprend que la France va apporter son savoir-faire au Chili en matière de maintien de l’ordre et de répression dans ce papier.
Si l’on n’en est pas encore arrivé à ce stade en France, il convient néanmoins de remarquer les similitudes entre un régime chilien qui tue des manifestants pour faire peur et un régime macronien qui crève les yeux des manifestants pour les mêmes raisons. On rappellera que l’actuel préfet de police, Didier Lallement, déclara récemment à une manifestante Gilets jaunes, mettant son mouchoir par-dessus son devoir de neutralité républicain : « Nous ne sommes pas dans le même camp, madame ! », assertion qui vient à point pour rappeler que le substantif « camp » peut être compris de diverses façons, selon que l’on se situe sur un terrain sportif ou un terrain purement politique.

lundi 18 novembre 2019

Réveillé par les propos du préfet de police Didier Lallement, Maurice Papon se retourne dans sa tombe !

EN DIRECT DE GRETZ-ARMAINVILLIERS (SEINE-ET-MARNE)

La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre dans le paisible bourg de Gretz-Armainvilliers, où il est enterré depuis février 2007. Maurice Papon, notoirement connu – entre autres – pour avoir participé à la déportation de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, où il était en fonction à la préfecture de Bordeaux et à la noyade par balles d’Algériens le 17 octobre 1961, alors qu’il était préfet de police de Paris, se serait retourné dans sa tombe dimanche 17 novembre 2019, aux alentours de 14 heures 30.

UNE OCTOGÉNAIRE EN ÉTAT DE CHOC

Josette Perrin, 82 ans, demeurant à Ozoir-la-Ferrière, témoigne : “Je me rendais, comme tous les 17 novembre, date anniversaire du décès de mon pauvre époux, sur sa tombe, lorsque j’ai entendu un bruit provenant de la sépulture voisine de mon Roger… Comme si quelqu’un descellait le marbre à la barre à mine. L’an dernier, des jeunes ont essayé d’ouvrir la tombe de Papon pour lui voler sa légion d’honneur, alors, vous savez !… Je regarde. Personne… Malgré ça, les coups continuaient ! Tout à coup, j’ai pris peur… C’est alors que je me suis rendue compte que les coups venaient de l’intérieur de la tombe… Ensuite, j’ai entendu comme un cri… Comme quelqu’un qui se cogne contre un meuble !”


DES COÏNCIDENCES TROUBLANTES

En état de choc, l’octogénaire rentra chez elle au volant de sa voiturette sans permis. “J’étais tellement mal en point que j’en ai oublié de saluer mon Roger… J’ai allumé la télé. J’ai mis BFM pour voir ce qui se passait avec les Gilets jaunes qui fêtaient leur premier anniversaire. Et c’est à ce moment-là que j’ai vu un homme en uniforme répondre à une dame énervée : “Nous ne sommes pas dans le même camp, Madame !” Sur le coup, j’ai pensé que j’étais tombée sur un téléfilm… Le monsieur s’appelait Lallement, vous pensez ! J’aime bien regarder les films historiques, ça m’occupe, depuis que mon Roger est parti ! Mais non, c’était pas un film. C’était les informations ! Après, j’ai su que c’était le nouveau préfet de police, alors forcément, j’ai fait le rapprochement avec M. Papon, qui était du métier, lui aussi…”
Y a-t-il un rapport entre la réponse surprenante faite à une dame Gilet jaune par le préfet de police Didier Lallement – qui aurait dérogé à son devoir de neutralité – et la curieuse découverte effectuée par Josette Perrin au cimetière de Gretz-Armainvilliers ? Quel lien pourrait-il bien avoir entre le préfet de police qui présida à la féroce répression des Algériens de Paris en 1961 et celui qui préside à la non-moins féroce répression contre les Gilets jaunes en 2019 ? La question, même si elle peut paraître quelque peu hasardeuse, voire incongrue, mérite d’être posée…
Mme Josette Perrin, à qui elle le fut – en attendant le tour des nécromanciens, des biologistes et des historiens, qui ne manqueront pas de signaler que les deux hommes firent, à sept décennies d’écart, leur première expérience répressive dans la ville de Bordeaux, s’en tira par cette pirouette : “Je demanderai à mon Roger quand je retournerai sur sa tombe… Si les morts parlent entre eux, il aura peut-être son idée…” Sagesse de nos aînés !

mardi 5 novembre 2019

380 € d’amende pour avoir oublié de signer un document de la cour de cassation : les petits rackets de la justice “au nom du peuple français”


Le dialogue qui suit (totalement imaginaire) résume la rocambolesque et authentique affaire [je défie mes confrères auteurs d’inventer un scénario aussi tordu] qui m’opposa, quatre ans et demi durant, à Églantine Laval.
Si vous ne connaissez pas cette lamentable affaire (où un simple “Et vous arrivez à dormir la nuit ?” glissé à l’oreille d’une fragile jeune femme se transforma en “coups de poing sur la figure”, suivis d’un procès pour violences volontaires, d’un procès en appel, d’un pourvoi en cassation – rejeté au motif que je n’aurais pas signé un document ! –, puis de deux plaintes en diffamation – classées), vous pouvez lire les trois actes et l’épilogue de cette bouffonnade, qui se clôt par une amende de 380 € pour “droit fixe de procédure” (ils n’étaient que de 90 € avant mon pourvoi en cassation).


ET VOUS ARRIVEZ À DORMIR LA NUIT ?
ACTE 1 ACTE 2 / ACTE 3 ÉPILOGUE 

C’est parti.
– Mon chéri, tu as du courrier !
M. SOULARD président
– Tiens donc, du courrier… Par la Poste !  C’est devenu rare ! Tu veux pas me l’ouvrir, s’il te plaît, j’aimerais bien terminer mes œufs à la coque tranquillement.
  Ma compagne, de ses doigts de fée fraîchement manucurés, lacère l’enveloppe en rugissant (elle est du signe du lion).
– C’est signé M. SOULARD président. 
– T’es sûre que c’est pas un canular ? Soulard…
– Dis donc, tu dois être quelqu’un d’important ! C’est écrit RÉPUBLIQUE FRANÇAISE / AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS.
– Encore une blague de mes potes Gilets jaunes, je lirai ça après ma douche !
–  Ouh-la, mais tu as vraiment dû faire une grosse bêtise, toi ! COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE. Tu me caches quelque chose !
– Ma biquette, qu’est-ce que tu vas imaginer ?
– Ouh-la, mais c’est grave, ça ! “M. Reboux, déclaré coupable de VIOLENCES AYANT ENTRAÎNÉ UNE INCAPACITÉ DE TRAVAIL N’EXCÉDANT PAS 8 JOURS”
– C’est des conneries, tout ça…
– Amende contraventionnelle de 800 € avec sursis. Mais  c’est quoi, ce truc !
– Je peux tout te raconter, mon amour !
– Essuie ta bouche, tu ressembles à un poussin.
– J’ai été accusé par une certaine Églantine LAVAL de lui avoir donné des coups de poing… Devant l’entrée du tribunal, à deux mètres du vigile, tu imagines le truc !
– Quel tribunal ?
– Ce serait trop long à expliquer… Elle a tout inventé !
– Écoute-moi, chéri, c’est grave, ces accusations…
– Mais je te jure que je n’ai RIEN fait !
– Pourquoi as-tu été condamné si tu n’as rien fait ?
– C’est cette juge de Montreuil ! Pour elle, un homme est potentiellement capable de frapper une femme. Capable, coupable, elle a franchi le pas ! Les flics qui nous ont confrontés ont déclaré que mon accusatrice était une mythomane, mais le parquet n’a pas classé l’affaire…
– Mais tu ne t’es pas défendu ? Tu n’avais pas d’avocat ?
– Ben si. Une avocate. Comme je suis au RSA, j’ai eu l’assistance judiciaire. Mais j’ai fait un truc très con, j’ai loupé mon procès.
– Tu as… loupé ton procès ? Tu te fous de moi ?
– Hélas non. Je me suis trompé de date, figure-toi. C’était le 13 juin, j’ai noté le 16 sur mon agenda.  J’étais fatigué, j’ai pas fait attention. Comme j’étais absent à mon procès, j’ai été condamné à 800 € d’amende…
– C’est malin !
Capture d’écran du site d’Églantine Laval.
– Évidemment, j’ai fait appel. Et là, j’ai fait la connerie de ma vie…
– Tu as frappé la juge !!!
– Mais non, chérie ! Je me suis défendu tout seul. À force d’assister à des procès, je me suis dit La justice, c’est jamais que du théâtre. Sur ton CV,  ça aura de la gueule, allons-y, Alonzo ! Au début, ça s’est plutôt bien passé. J’étais sûr de mon droit. C’est quand j’ai mimé, avec force décibels, la grande scène de la pseudo-agression que ça s’est envenimé. Quand j’ai crié dans le prétoire : “S’il vous plaît, madame, ce monsieur m’agresse ! J’ai besoin d’un témoin, aidez-moi !”, j’ai cru qu’elle allait lâcher les lions… Le pompon, c’est quand elle m’a proposé de couper la poire en deux avec une condamnation à 400 € d’amende… Je lui ai lancé dans les gencives, façon Dupont-Moretti : “Madame l’avocate générale, je suis innocent. Même si j’étais condamné à un centime d’euro avec sursis, je me pourvoirai en cassation !” Alors là, elle n’a pas du tout apprécié ! La présidente a même lancé : “la cour appréciera”.
– Abrège, tes œufs vont être froids !
– Résultat des courses : j’ai été déclaré coupable. Dans sa grande mansuétude, la présidente m’a accordé un amende de 800 € avec sursis. Quand je suis venu chercher la délibéré, quelques semaines plus tard, comme elle me parlait mal, je lui ai fait remarquer que la personne à qui elle s’adressait n’était pas un chien, mais un être humain ! T’auras vu le regard qu’elle m’a lancé !
Sainte Églantine
– Et tu t’es pourvu en cassation !
– Exact.
– Et ton pourvoi a été refusé !
– Exact. Et tu sais pourquoi ? J’aurais oublié de parapher ma déclaration !
– Comment ça, tu “aurais” ? Tu l'as signée ou tu l’as pas signée ?
– En tout cas, si j’ai oublié de la signer, la greffière a étudié mon dossier pendant cinq minutes, elle aurait dû s’en apercevoir, et me le dire…
– Et tu ne peux pas aller plus haut ?
– Comment ça, plus haut ? La cour de cassation est la plus haute juridiction de France. Plus haut, c’est Dieu, et il fait pas ce genre d’intervention.
– Qu’est-ce que tu vas faire ?
– Comment ça, qu’est-ce que tu vas faire ? Je ne vais pas payer, il n’en est pas question !
– Tu n’as qu’à porter plainte pour dénonciation calomnieuse !
– Eh non ! Je n’en ai pas le droit… La chose jugée faisant autorité, je suis considéré comme coupable. Même si j’ai été condamné à du sursis…
– Du sursis ? C’est pas ce qui est écrit sur son courrier, à M. SOULARD président ! Tu es condamné à verser la somme de 380 € au fisc !
– QUOI !!!
Trèves de plaisanterie. Le courrier en question émane bien de la chambre criminelle de la cour de cassation, dont le président, un certain Soulard, m’informe que, mon pourvoi ayant été rejeté, ma condamnation à une amende de 800 € avec sursis s’accompagne du paiement d’un droit fixe de procédure de 380 €.

dimanche 3 novembre 2019

“Rap français, les femmes de l’ombre”, un documentaire de Gabrielle Niang

Le rap, ce n’est pas seulement des gros bras machos qui se battent en duel à Orly, ou des types qui disent du mal de la police pour faire de la peine à Castaner !
Ce chouette documentaire a été réalisé par ma fille, Gabrielle ! Fier, je suis, eh, eh !!

mardi 29 octobre 2019

La 3e plainte d’Églantine Laval classée sans suite : le joli cadeau d’anniversaire de la Justice

Mardi 29 octobre 2019. C’est mon anniversaire mais ce n’est pas parce que je prends un an que je suis de mauvais poil. Je suis convoqué à 10h30 au commissariat de Saint-Denis pour une plainte en diffamation. Motif du délit ? Un post de décembre 2018 [lire en bas] dans lequel je relate l’issue, devant la cour de cassation, de l’interminable feuilleton judiciaire qui m’oppose depuis 3 ans à une certaine Églantine Laval, qui m’accusa mensongèrement de l’avoir frappée à coups de poing, alors que je m’étais borné à lui demander, sur un ton évoquant certes davantage Charles Pasqua que Bourvil : “Et vous arrivez à dormir la nuit ?”
L’histoire, tordue à souhait, digne d’un roman de Boileau-Narcejac, est résumée dans ce papier du 8 janvier 2016, à lire dans son intégralité ici.

Le compte-rendu de mon procès en appel (mars 2018), qui me valut une première plainte en diffamation d’Églantine Laval (classée sans suites).

Enfin, le papier du 27 décembre 2018, qui m’a valu les (ultimes) foudres d’Églantine Laval.

À 12h23 ce 29 octobre, 1h53’17” après le début de mon audition, un courriel du gardien de la paix qui m’auditionna m’apprend que le parquet a tranché : l’affaire est classée.

Afin de prouver à la lumineuse Églantine Laval, qui ne manquera pas de lire ces lignes, attachée qu’elle est au suivi des rocambolesques plaintes en justice dont elle m’inonda ces trois années durant, que je ne suis pas un méchant garçon impétueux et rancunier, je lui adresse tous mes vœux de bonheur et de réussite dans la vie. Et l’informe que mon ultime polar, Et vous arrivez à dormir la nuit ?, si le grand âge qui vient de me tomber dessus me laisse la lattitude de l’écrire, lui sera aimablement dédicacé, conjointement à Mme la juge montreuillote Vanessa Lepeu, qui sait ce que je lui dois dans cette affaire regrettable.

jeudi 17 octobre 2019

Castaner Macronus Enucleator 2019

La nouvelle qui suit parut en 2007 sous le titre T’as de la chance qu’il soit pas président ! dans le recueil La France d’après (éditions Privé), dans lequel 17 auteurs livraient un récit uchronique sur ce qui se passerait si Sarkozy serait élu.
RAPPEL. Victime en août 2006 d’un contrôle routier banal, au cours duquel un flic me glissa à l’oreille (et à la matraque) la petite phrase qui donne son titre à la nouvelle, et qui se solda par une garde à vue, une confrontation avec ledit flic à l’IGS, un pamphlet contre Sarkozy, un procès pour outrage, la création du CODEDO (Collectif pour une dépénalisation du délit d’outrage), dont j’entretiens depuis une décennie le site, et, enfin, une Lettre au Garde des Sceaux cosignée avec Romain Dunand, suivie d’une pétition publiée dans Libération, signée par 25.000 personnes, qui ne reçut aucune réponse de la Garde des Sceaux Rachida Dati, ni des suivants, j’imaginai dans cette fiction une situation extrême dans laquelle le narrateur, livré à la barbarie policière, meurt.
J’écrivais alors : « Ces violences pourraient être encore plus fréquentes et traumatisantes, si le sieur N. S. étant élu à l’Elysée, certains éléments incontrôlés de la police laissaient libre cours, comme c’est à craindre, à leur incorrigible ardeur barbare. » Il n’aura échappé à personne que si le quinquennat de Sarkozy fut directement à l’origine de la situation terrible que nous connaissons, la répression des luttes sociales et son corollaire les violences policières, venant après l’assassinat de Rémy Fraisse, furent érigées en système d’État sous le quinquennat du président suivant, le tout-petit François Hollande, qui chassa Sarko pour mieux faire entrer le loup Macron dans la bergerie.
L’insupportable litanie des Gilets jaunes énuclées, démembrés, gazés, estropiés, assassinés sur un balcon ou dans la Loire, et la malfaisante complicité de préfets, de commissaires psychotiques, de magistrats travestissant la vérité pour plaire au prince (une mention spéciale au procureur de la République de Marseille Marc Tarabeux), de juges condamnant à tour de bras, m’a incité à la relire. Douze ans plus tard, ce n’est plus T’as de la chance qu’il soit pas président ! mais Tu n’as rien vu sous Sarkozy ! Voilà pourquoi je la republie sous le titre Castaner Macronus Enucleator 2019.
Cette fiction était dédiée à Jean-Marie Ratchel, sauvagement frappé par des policiers racistes du commissariat de Villepinte (93) en octobre 2003, en présence de sa femme, de ses fils, de ses voisins, alors qu’il était atteint d’un cancer en phase terminale. On y ajoutera les noms de Rémy Fraisse, Adama Traoré, Steve Maïa Canio, Zineb Redouane. Et tant d’autres…



2007. T’AS DE LA CHANCE QU’IL SOIT PAS PRESIDENT !
2019. TU N’AS RIEN VU SOUS SARKOZY !


Paris, mercredi 29 octobre 2008.
1
Aujourd’hui, j’ai cinquante ans. Je me sens tout jeune. Je ne me suis pas vu vieillir. Je suis un môme. Je fais du vélo sur mon petit bicloune rouge, je slalome entre les voitures pour arriver à l’heure à mon rencard, j’ai rendez-vous avec la vie, il fait beau, le soleil brille, chaque jour la guérilla climatique s’intensifie, les gens profitent du soleil aux terrasses exhubérantes des cafés, je suis content d’être là, vivant, heureux, ailleurs. Tellement ailleurs que je n’ai pas vu ce gros-cul de 4x4 qui m’a repéré dans son rétro et a braqué ses roues pour m’empêcher de le dépasser. Je me contente de lui tirer la langue, avant de repartir le cœur joyeux, formant le vœu qu’à force de mariner sa couenne dans son char d’assaut il finira par pourrir sur pied et se fondre dans le macadam. Je fonce, fonce, je ne me retourne pas, je suis attendu quelque part dans Paris pour fêter mon anniversaire avec des tas d’amis, depuis cinq semaines je me farcis un jeu de l’oie intrépide à travers cette capitale que je ne me résouds pas à quitter, j’ignore où auront lieu les festivités, ma femme va finir par me faire tourner en bourrique. Mais je fonce. Fonce, Alphonse, fonce, le vieux monde est loin derrière toi, aujourd’hui tu vas rafler la mise, aujourd’hui tu vas tout oublier, les ennuis, les dettes, les angoisses, les petits matins chagrin, le grand maelström de la misère qui scarifie le pays, les amis partis trop tôt, les perdus de vue, oublier que ton hexagone hexa-P est aux mains de la clique à Sarkop : Pauvre Petit Pays Paralysé Par la Peur. Oublier que partout ça cogne, ça matraque, ça meurt, ça crie, ça griffe, ça ratatine, ça hurle, ça jette, ça licencie, ça chôme, ça chie la honte, ça pisse la pitié, ça sue la crainte, ça crache la peur, ça éternue la petite mort, ça paupérise, ça s’agglutine au chaud, ça gronde, ça grouille, ça rouille, ça suinte, ça sécrète, ça crève, ça dégueule, ça pue, ça pulse, ça expulse, ça exclut, ça expatrie, ça bannit, ça emprisonne, ça rétentionne, ça, ça, ça… Oublier qu’il n’y a plus que deux saisons : dans le ciel le réchauffement climatique fait la loi, sur terre c’est le grand hiver de la France engourdie, assommée, la France rance et rassie, muselée par les milices du Grand Sarkop Circus, les petits joueurs de district sont montés à la capitale pour aiguiser leurs dents sur les parquets des beaux quartiers et aider au grand dépeçage du coq gaulois, les Morpions-Mariani, les Pyromanes-Morano, les Fillon-Flingueurs, les Borloo-Barnum, les Hortefeux-Croix-de-Feu, les Estrosi-Stadium… Les riches s’empiffrent en rotant, et leurs pets truffés, leurs borborygmes épicés, leurs gloussements de nantis s’élèvent en volutes spiritueuses dans le ciel de Paris pollué jusqu’à la lie, formant des nuages denses qui gravitent tout autour de la grande ceinture et retombent en masse sur les bannis des banlieues en ruine retranchés derrière les cadavres calcinés de leurs espérances, les pauvres crèvent en beauté dans les rues, sous l’œil vigilant des brigades du Samu social fraîchement privatisé, les gardiens des cimetières des idées payés en heures supplémentaires nuit et jour font la fête, des effluves nauséabondes ensemencent le pavé qui n’en finit plus d’exaler la misère… Tu te souviens que quand tu étais ado tu écrivais de la poésie sur des carnets à spirales, et comme un oiseau tu te mets à gazouiller sur ton petit vélo, pouet-pouet, et tout à coup, bloum, tu te gaufres un piéton…
– Madame, ça va ? Vous n’avez pas mal ?
Le piéton est une piétonne, une petite dame toute menue, chignon, caban, cabas, triste comme si elle venait de perdre un mari, un caniche, un canari, et qui se remet sur pied. Et te sourit.
– Vous m’avez l’air bien pressé, jeune homme !
Elle te tend la main, tu l’aides à se relever. Elle a ce petit sourire délicieux qui te fait penser que dans sa jeunesse elle a dû plus qu’à son tour faire tourner les têtes.
– Je… c’est… je suis désolé… Ça va ?
Mais tu n’as pas le temps d’en dire plus car à ce moment-là arrive une troupe de joyeux piétons, bravant la grande et fondamentale loi interdisant les rassemblements prolongés non autorisés, enfin votée par le Parlement sur l’impulsion du terrible Bernard Kouchner baptisé par Le Canard enchaîné Koukouchpanière en hommage à tous ces petits godillots révérents privés d’impossibles rêves ayatollesques – avant d’être affublé du sobriquet plus seyant de Kouchkärchner. Loi qui sera bientôt organique dès que le très énervé et vénéré président Sarkozy aura trouvé le temps, entre deux voyages en Chine, en Iran, en Inde, en Ouzbékistan, de réunir le Congrès aux ordres à Versailles, histoire de sceller toutes ces aimables lois d’exception dans le socle de la Constitution.
Pas le temps de reprendre ton souffle. Un tonfa long comme le bâton de Justin Bridou s’abat sur le guidon de ton vélo. « Papiers, s’il vous plaît ! » Et merde ! Les flics. Un, deux, trois, je vais au bois. Quatre, cinq, six, j’mange ma saucisse. Sept, huit, neuf, je croise un keuf… Dix, onze, douze, j’marche dans la bouse… Il en sortait de partout. A croire que la clique t’attendait pour te souhaiter ton anniversaire. Tu attrapes ton téléphone portable. « Monsieur, s’il vous plaît. On vous a demandé vos papiers. » Tu marques ta stupéfaction. « Attendez, je… » Le flic est petit râblé, impétueux, impatient, le courant ne passe pas. « Vous venez de brûler un feu rouge, de renverser un piéton et vous téléphonez au guidon de votre bicyclette… Permis de conduire, s’il vous plaît ! » Tu cales la pédale de ton vélo sur le rebord du caniveau. « Monsieur, le stationnement des véhicules est rigoureusement interdit à cet endroit… » Cette fois, c’est une Antillaise pète-sec qui s’est collée à la tâche. Tu te frottes les yeux pour y croire. Tu reprends le guidon de ton vélo. « Et en plus, vous n’avez pas de catadiope ! Quatre infractions, c’est beaucoup pour un seul homme ! » Rester calme. Depuis ce jour de l’été 2006 où tu as passé trois heures au commissariat mains et chevilles menottées après avoir dit un gros mot à un fonctionnaire bouché qui voulait te forcer à verser la dîme au GROPPP (Grand Racket Organisé de la Préfecture de Police de Paris), tu t’es juré : a) d’éviter la police ; b) d’éviter la police ; c) d’éviter la police ; d) au cas où la rencontre avec l’autorité honnie viendrait à se réaliser, de rester zen, quoi qu’il arrive. Alors tu prends ta respiration. Calmement. Et tu expliques. Calmement.
Mais va expliquer aux keufs que tu ne prends jamaistes papiers avec toi, a fortiori ton permis de conduire, puisque que tu te déplaces à bicyclette, qu’il n’est nullement obligatoire d’avoir ses papiers sur soi, du moins tant que le très énervé et vénéré président Sarkozy n’aura pas trouvé le temps de réunir le Congrès aux ordres à Versailles, histoire de sceller toutes ces malheureuses lois d’exception qui font pousser des cris d’orfraie au vieux lion Badinter, etc, etc, qu’aujourd’hui tu as cinquante balais, que tu vas fêter ça avec des tas d’amis, que tu as plein d’amis, Blancs, Jaunes, Rouges, Noirs, tous les humains sont tous les mêmes quand ils se disent je t’aime, que tu dois appeler ta compagne pour qu’elle t’apporte tes papiers, que la dame que tu as renversée n’a subi aucune dommage, d’ailleurs elle t’a souri, elle n’est même pas restée, vous lui avez fait peur avec vos conneries, tu aimerais bien qu’on te fiche la paix, on ne va quand même pas en faire toute une histoire…
Et c’est comme ça que tout a commencé.
Comme la première fois, le 24 juillet 2006. 
Sauf que cette fois tu n’as pas été poussé à l’outrage et à la rébellion par un petit flic vénéneux. Cette fois, un regard a suffi.

2
« Vous, je sais pas, les gars, mais moi, le guignol, il commence à me taper sur le système ! Tes papiers, connard ! »
Je n’avais hélas aucun moyen de satisfaire à cette exigence. Les coups se sont mis à pleuvoir tout de suite.Coups de matraque. Coups de pied. Coups de boule. D’abord la tête. Les barbares visent directement le siège de ce qui leur fait défaut : l’intelligence. C’est celui qui m’avait demandé mes papiers qui a commencé. Les autres ont suivi. Ça a très vite dégénéré. Les coups pleuvaient en cadence. Sur tout le corps. J’ai essayé d’éviter les coups. J’ai perdu mes lunettes. Je me suis mis à quatre pattes, j’ai vu un pied les écraser sous ses Rangers. J’ai retiré ma main juste à temps. Quand je me suis remis debout j’ai été accueilli par une bordée de rires. Le flic de base n’aime pas les nègres, les Arabes, les cailleras à capuche. Le porteur de lunettes arrive juste après la trilogie. Autour de moi le flou. Sans ses lunettes le myope est comme la gazelle livrée aux lions. Des formes qui s’agitent. Des vagues de bleu marine, accompagnées de bruits sourds, comme un ralenti de cinéma. Un des flics m’a tendu quelque chose. « Tiens, l’intello, tes lunettes ! T’en auras besoin pour regarder le porno de Canal ! » Je me suis pris un objet dans la figure. Mon vélo. Que l’un des excités en uniforme s’était amusé à dézinguer sous mes yeux. Je suis tombé par terre, j’ai roulé sous le bicloune, le papillon de la roue m’a déchiré la joue mais c’était peu de choses comparé à la violence des coups que j’avais reçus. Je me suis relevé. J’ai essayé de l’enfourcher mais les roues étaient voilées. J’ai réussi malgré tout à faire quelques mètres avant de m’étaler. Ma tête a heurté l’arête du caniveau, mais je me suis encore relevé et remis en selle.
Arrêtez-vous, monsieur !
Ils remettaient ça. Ils riaient. Ils se maraient comme des baleines Des malades… J’ai décidé de ne pas me retourner, persuadé que c’était fini, que peut-être rien n’avait commencé, que tout ce que je venais de vivre n’était qu’un cauchemar. J’avais renoncé à comprendre ce qui m’arrivait, j’étais sonné. Des coups de sifflet ont rententi, j’avais la tête comme une calebasse, je crevais de soif, des gens me frôlaient sur le trottoir, passants irréels, livrés à ma surdité, ma cécité, ma pépie, mon atrophie mentale, mes larmes de désespoir. J’ai attrapé la veste d’un passant, il sentait mauvais. « S’il vous plaît, aidez-moi, ils vont me tuer, ils vont me tuer… » Le type m’a repoussé, effrayé. Non, ce devait être moi qui sentais mauvais. Il m’a dévisagé, il a murmuré : « Dieu du ciel, mais qu’est-ce qu’ils vous ont fait ? » Il a porté la main à sa poche pour trouver un mouchoir en papier et a commencé à éponger le sang qui pissait de mon arcade sourcillière.
La voix d’un flic a retenti.
– Monsieur, s’il vous plaît, ne vous mêlez pas de ça, circulez !
– Mais enfin, monsieur l’agent, vous avez vu dans quel état vous avez mis cet homme !
– Tu vas te tirer, espèce de connard !
Sur le coup, j’ai cru que ça s’adressait à moi, j’ai laissé tomber le vélo et j’ai commencé à courir, enfin, courir, accélérer, mettre un pied devant l’autre, comme un chaton qui s’aventure hors du panier et se prend les patounes dans la pelote, je ne sais pas pourquoi j’ai pris ça pour moi.
– Mais arrêtez-le, bordel de merde ! Vous n’allez quand même pas laisser partir cette petite ordure !! Capitaine !
C’est à ce moment-là que j’ai reçu le premier choc électrique. Je suis effondré, tétanisé par une intense douleur qui me déchirait la poitrine en deux. Suivi d’un deuxième choc, alors que j’essayais de me lever.
Et puis ils sont revenus. Les barbares sont revenus. Je me suis recroquevillé. Petite chose endolorie qui attend le coup de grâce pour être enfin délivré de la douleur. Les coups pleuvaient. Sur tout le corps. J’ai essayé de résister encore et encore. Des coups, des coups, des coups. J’ai craché une ou deux dents. J’avais atrocement mal à la mâchoire. Ma tête explosait. Les fauves rugissaient. J’étais mort, ou presque, ou ça n’allait pas tarder. A bout de force, j’ai fini par perdre connaissance. Je suis vaguement revenu à moi quand les barbares m’ont attrapé par les aisselles et les pieds pour me balancer dans un fourgon, menottage aux chevilles, double menottage aux poignets, clac, clac, à croire qu’il m’était poussé deux bras dans la curée, et je suis aussitôt retombé dans l’oubli.
Source : Nantes Révoltée (17/10/2019)
3
Le type gisait sur le carrelage. Pif en sang. Mâchoire déboîtée. Avec tous les coups de latte qu’on lui avait balancé, il était pas beau à voir. Parlons pas des lunettes, que Texier a pris un malin plaisir à aplatir. Dieu sait si je ne suis pas un tendre mais Tex c’est the maboule. T’avais qu’à porter des lentilles, Toto. Il aime pas les lentilles, le monsieur ? Tex, parfois, il est… imprévisible. Le jour de la mort de Pinochet, je l’ai surpris aux chiottes en train de pisser sa haine. « Quand même, Augusto, c’était un grand, bordel ! » il ruminait. Il était tellement excité qu’on aurait pu croire qu’il se branlait. « C’est sûr qu’il les avait un peu plus pêchues que toi ! » j’ai ajouté en balançant un œil sur son organe. Tex a refermé sa braguette et sa grande bouche en même temps. Un à zéro, Toto. Remarque, dans son état, le cycliste, il est pas près de se pointer chez Afflelou. Qu’est-ce qu’on va faire de ça ? Avec les copains on s’était un peu lâchés. Les intellos qui se la pètent, je supporte pas. Les intellos-cyclo, je cogne. Toujours se méfier de ces mecs-là. L’ORDRE, BORDEL ! Que ça de vrai ! L’ordre égale la paix. Leurs petits discours à la con, ils peuvent se les carrer quelque part… Profond. Profond, j’ai dit, ho ! T’as entendu, bordel ! Petit coup de tatane dans le ventre du cycliste. T’endors pas, bonhomme. Rappeler au citoyen qu’avant toute chose il est ici sur notreterritoire. Etat de droit ? Qu’est-ce t’as dit, là ?… Tu peux répéter, j’ai pas bien entendu… C’est pour ça qu’un jour j’ai décidé de porter l’uniforme. Pour avoir la paix. Mon père n’était pas chaud. Mon père était un sale petit baragouineur communiste, ma mère supportait ses conneries, jusqu’au jour où elle s’est tirée avec un type qui s’est occupé de sa chatte au lieu de la faire chier avec L’Huma-Dimanche, c’est aussi pour ça que je suis entré dans la police. Pour me venger de leur petite vie de larbin. Avec l’uniforme, tu as la paix. Le salaire est minable mais il y a des compensations. Le premier petit enculé qui te fait chier, tu le fais ramper à tes pieds ! On est les rois, mon pote ! Ici, la loi, c’est moi. Pas toi. Moi porter uniforme. Toi porter petites lunettes cassées. Capisco ? J’crois qu’il a pas capisco. Moi rouler en voiture-pimpon, toi en vélo et à cause de tes conneries maintenant ta roue est voilée et comme Sarkop a supprimé la CMU va falloir que tu fasses de sacrées heures sup’ pour t’acheter un dentier.
Et c’est pour ça que tu es là. Entre mes mains.
Pas de réaction.
Nantes, 2019. Crédits photo Bsaz.

Le bloqueur ne l’avait pas tout à fait calmé, alors on a été obligé de lui passer les bracelets. Jaffrelot et moi on a dégaîné les bracelets en même temps, on n’allait pas se faire des politesses… On lui a rabattu les bras dans le dos, et voilà… Aux fers, le toto. Bien serré. Le petit fumier, il va comprendre sa douleur. Cordon de sécurité aux chevilles. Deux fois 50.000 volts dans la couenne. Le TASER, ça vous met du plomb dans la tête. Tranquille. Si ça tenait qu’à moi, c’est pas au TASER que je les bloquerais, moi ! Oh, mais c’est qu’il bouge encore… Alors, quoi, on conteste ? On aime pas l’ordre ? On dénigre la police ? Pas content ? Pop-pop : deux balles… Les cimetières sont remplis de petits fumiers qui la ramenaient parce qu’ils étaient pas contents, ils sont bien avancés, maintenant… Tous ces petits connards de blacks planqués sous leur capuche. Et hop, arrestation ! Bon, celui-là, c’est pas un nègre, ni un burnous. Pas le genre youplala non plus. N’empêche. Encore un petit tarlouze de gauchiste qui brûle sa sale petite race pour le grand soir des avortons de mes couilles du communisme ! Ça vous fait bander à ce point ? m’a un jour demandé l’OPJ. Oui, chef, j’avoue… J’aime cette impresssion de puissance, et c’est pour ça que je suis entré dans la police, Toto-PJ… Bon, ça, je l’ai pas dit au chief… N’empêche… Depuis que Sarkop a été élu, on se lâche un peu. Eh-ho, on a assez attendu ! Déjà qu’avant, avec Jordi, Pifouk, René et les cadors du 47 on se gênait pas trop, mais depuis que Sarkop est le roi, on se fait pas chier !… Sans parler du ministre de la Sécurité nationale et de l’Immigration, qui nous a fait comprendre que le Code de déontologie on pouvait se le rouler sous l’aisselle… Comme ça au moins les choses sont claires. C’était pas trop tôt. Riche idée qu’il a eue de nommer Kouchner à Beauvau, le Nico, il a pris tout le monde de court, là… Un toubib chez les keufs, fallait y penser ! Quelle trouvaille ! Quel génie, ce Nico ! « Messieurs, sortez couverts ! » il a dit le french doctor. Comment qu’il a ravalé son devoir d’ingérence, Kouchkärchner ! Eh, les mecs, j’ai été boulé de l’OMS, je veux ma part de gâteau, prenez-moi dans votre équipe, je ferai le beau, papatte à gauche, me laissez pas tomber ! Oh, l’enculé… Bon, l’essentiel, c’est qu’il obéisse aux ordres. Et les droitsdelhommistes de mes deux, t’as vu comment il les a cintrés chez Drucker ?! Le temps de l’idéalisme béat est révolu, j’ai envie de dire que les temps sont dévolus aux idées claires, les seules susceptibles de sortir la France du marasme… Chapeau bas, Koukouchepanière.Et le tour est joué…GUN. Gouvernement d’Unité Nationale. Gun ! Gun ! Gun !Aux armes, policiers ! Formez vos bataillons ! Trop fort. Finalement, mon père avait raison : n’importe qui peut devenir un bon petit fasciste… Le tout, c’est d’être là au bon moment. Avec Sevran à la Francophonie et Bigard à la Culture, il a fait fort, Sarkop. Je l’aime. Et pourtant, je suis sûr qu’il a une toute petite bite, ah, ah, ah !
– Qu’est-ce que t’as à te gondoler ! a lancé Jeff.
– Non, rien. C’est privé.
– Quel con, ce mec… Bon, on fait quoi, là ! Ramos, qu’est-ce qu’on fout ?
– À chacun d’assumer sa merde, a répliqué Ramos. Vous me faites le plaisir de dégager ce client, j’ai pas envie d’avoir des emmerdes, moi. On n’a strictement rien contre lui… Qu’est-ce qui vous a pris de tabasser un cycliste !
Ramos. Le chef de poste. Haïtien. Toute sa famille ratiboisée là-bas. L’un des premiers immigrés à bénéficier de la loi sur l’immigration choisie. Reçu en grandes pompes à sa descente d’avion par les hommes en noir du président Sarkozy. Tandis que des dizaines d’autres nègres-niakoués repartaient dans l’autre sens à coup de pompes dans le cul…
Un bon petit gars. Il ne dira rien.
– Rien contre lui, rien contre lui… Quatre infractions, c’est ça que t’appelles rien ? Si t’ajoutes à ça délit de fuite, rébellion, outrage, incitation à l’émeute, ça commence à sentir la cour d’Assises ! Bordel, je sens qu’on va faire un joli mois !
– T’es complètement maboule, Rusty !
– Ta gueule, Ramos, fais pas chier ! Si t’es pas content, tu peux retourner sur ton île paradisiaque… Capisco ?
– Tu es vraiment une tête brûlée, Rusty. Ça finira mal, tout ça…
– Ça finira mal si des mecs comme toi se mettent à flipper leur race… J’espère que tu feras pas le con, Ramos… J’espère…
Tout à coup, j’ai eu un doute à propos du chef de poste. Faut faire attention à lui. Bon petit gars… Pas si sûr que ça. Pas mûr pour la Milice, en tout cas. Il m’avait foutu la trouille, ce con. J’ai pris le pouls de Laurent Fignon. Il vivait encore. Peut-être pas pour longtemps mais il vivait. Respect. Après ce qu’il a pris la tronche, double régime TASER, j’en connais qui auraient eu le mauvais goût d’avaler leur extrait de naissance…
– Allez, ma poule, laisse-toi aller…
Il a baragouiné dans sa barbe.  Je sais pas pourquoi, j’ai l’impression d’avoir déjà vu ce mec quelque part… J’ai baissé la tête. Collé mon oreille sur sa bouche. J’étais scié.
– Vous devinerez jamais ce qu’il a dit, les gars !
Ramos m’a fait signe d’accélérer la procédure, tandis que Cynthia s’avançait dans la cage, une serpillière à la main.
– Vous y êtes allé un peu fort, merde !
– Il veut parler à un avocat !… Eh, oh, mec, y a pas écrit Club Méd !!!
4
J’ai ouvert un œil. Après de longues minutes d’angoisse j’ai osé ça. Tout autour de moi ça sentait la pisse, la bibine, la sueur, le sang, la crasse. Le sang, c’est le mien, j’en ai plein le nez. Et dans la bouche aussi. Ils m’ont pété les dents. La pisse aussi. Trois heures sans aller aux chiottes, à un moment, tu te lâches… Mais c’est pas cette odeur qui me dérange le plus. C’est une autre, moins… tangible. Pas vraiment une odeur, d’ailleurs. Plutôt une sorte de tension… L’odeur de la haine. La plupart de ces mecs sont torchés à la bibine de la haine tellement ils s’emmerdent à faire ce boulot à la con… J’ai refermé l’œil aussitôt. Pas qu’ils voient que je suis conscient. Pas leur donner ce plaisir. Ils m’ont un peu oublié, suffit d’écouter leur blabla bac moins 12. Putain, elle fait chier, cette salope, ça fait deux semaines qu’elle veut plus me toucher… Tu devrais peut-être te laver plus souvent la queue, René, tu sens la hyène… T’as qu’à aller voir les putes, banane !… Je connais une petite Sri-Lankaise qui fait ça très bien… Et elle a intérêt à assurer si elle veut garder son permis de séjour… Tu l’as baisée, au moins ?… Penses-tu, Pifouk, il est comme José Bové, il baise que les chèvres… Ça vole pas haut mais au moins pendant ce temps-là ils ne pensent pas à mal. Mal, c’est-à-dire : moi. Pour ces tarés je suis l’incarnation du mal absolu. Je suis le mal.Et je ne fais pas le malin. A un moment, il y en a un qui a lancé :« Bordel, j’ai déjà vu ce mec quelque part, moi ! » Une voix lente, qui prend son temps. Et cette voix me dit quelque chose. Toi, j’aime pas ta gueule, elle dit. J’aime pas ta gueule, je me souviens plus où je t’ai vu, mais quand je me souviendrai où et quand je t’ai vu, tu vas t’en prendre plein la gueule, tu comprendras ta douleur… C’est à ça que je l’ai reconnu. La voix. Tant qu’il ferme sa bouche, un flic reste une silhouette, un monolithe bleu marine un peu inquiétant. Dès qu’il ouvre, c’est autre chose. « Vos papiers, s’il vous plaît. » La voix sûre, posée, provocante par son calme olympien, qui ferait croire au plus innocent des bambins qu’il a volé trois tonnes de bonbons chez l’épicier du coin. Mais bon, tu les tends, tes papiers, pour avoir la paix, en espérant que ça ne s’éternisera pas trop. Que ça n’ira pas jusqu’au « Monsieur, avez-vous des antécédents psychiatriques ? » qu’ils te jettent à la gueule quand tu te fais embarquer en opposant une résistance à ce que tu estimes être un abus de pouvoir.Là, ça ne rigole plus. Fini la diplomatie. On range le tapis vert, on sort les menottes.
La première fois qu’un flic m’a posé cette question, j’ai été tenté de répondre : « Non, et vous ? » Mais je me suis abstenu. L’excès de courtoisie pouvant passer pour de la provocation. La première fois. Il y a un peu plus de deux ans. Ce foutu 24 juillet 2006. Dernier été avant l’accession au pouvoir du petit coq hongrois. Un contrôle routier, avenue de Clichy. Le flic me colle un PV bidon pour entrave à la circulation, que je conteste. Le keuf fait le malin, il a une courge en lieu et place du cerveau mais la courge est recouverte d’une casquette bleu marine, ça change tout. Je tiens tête au petit sadique en uniforme qui me voit arriver avec mes gros sabots. De guerre lasse, je finis par lui balancer un mot fleuri. Et hop, embarqué manu militari, menotté, chevilles, poignets. Je me débats, j’ai toujours eu de la répulsion pour les flics, et tout ce qui porte l’uniforme, mais là… Outrage, rébellion, incitation à l’émeute. Dans le fourgon, la question rituelle : « Monsieur, avez-vous des antécédents psychiatriques ? » Précédée de la petite phrase qui tue, balancée par le motard aux allures de milicien… T’as de la chance qu’Il soit pas…
La deuxième fois, c’est aujourd’hui. 
« Monsieur, avez-vous des antécédents psychiatriques ? »
« Non, et vous ? »
Aujourd’hui, j’ai répondu ça. Tandis que l’un des keufs qui me sont tombés dessus s’amuse à donner des coups de tatane dans mon vélo, après avoir éventré mon tube de colle et les trois malheureuses rustines qui se battent en duel dans la sacoche.
– Mais vous êtes mal…
– Ouh-la, on se calme !
– Avez-vous des antécédents psychiatriques, monsieur ?
« Chef, je crois qu’il s’est réveillé. »
Et merde ! C’est LUI ! C’est pas possible !!!…
– Chef ! Il a dit « merde » !
– Cette petite frappe est à moitié morte et il nous insulte !
– Tu sais combien ça va chercher, outrage, connard ?
– Mais vous voyez pas qu’il est à moitié mort, bordel !
– T’inquiète pas, Ramos, on n’aura pas besoin de l’inculper, le cycliste…
– Arrête de déconner, Rusty ! Je veux pas d’emmerdes, moi…
– T’auras pas d’emmerdes, Ramos, promis. Le cycliste non plus il aura plus jamais d’emmerdes, ah, ah, ah !
Ils se sont mis à rire, et la voix du maboule milicien s’est rapprochée de moi…
5
Le flic me regarde, impatient de connaître ma réaction. Je détourne le visage. Le barbare se penche sur moi, c’est un géant. Il m’attrape par le menton, me force à le regarder dans les yeux. Un regard froid, clinique.
– Maintenant je sais où on s’est vu…
Je hoche la tête. Pas la force de résister. Garder les yeux ouverts me fait trop mal. Pas besoin d’ouvrir les yeux. La voix suffit. Moi aussi, je sais. Je sais que c’est lui… le Milicien.
– Pourquoi… faites-vous ça… Vous n’avez… pas le droit…
Je ne sais pas comment j’ai trouvé la force de murmurer ces mots. 
– Ta gueule ! A ta place j’économiserais mes paroles, Toto…
Il pointe le doigt sur son flingue, une arme aux formes futuristes. Il me tient la tête, me force à garder les yeux ouverts.
– Tu vois ça ? Ça, c’est le droit, connard ! 50.000 volts… Je te présente mon ami, l’agent X26. TASER X26. Soumission des suspects par la douleur. Interfère le système nerveux central et les muscles. C’est sans danger, tu sais… Là, tu t’en est pris deux coup sur coup dans la tronche, gun ! gun ! Est-ce que t’es mort ?
– Vous êtes complètement…
– Ta gueule ! a-t-il grogné en simulant une beigne. Je répète ma question, Toto : EST-CE QUE TU ES MORT ?
– N… non…
– Bien. Donc si t’es pas mort, c’est que tu es vivant. Et si tu es vivant, tu te souviens où on s’est rencontrés, tous les deux, non ?…
– Je… je ne sais pas…
– Oh, que si, tu sais ! Je lis ça dans tes yeux d’clébard, on m’oublie pas, moi… Mais dis donc, t’avais meilleure mine… T’es pas malade, au moins ?
Le barbare s’est penché sur moi. J’ai essayé de le repousser, je ne voulais pas entendre cette phrase une seconde fois, mais il m’a saisi au cou, il a serré très fort pour me forcer à écouter. La foutue petite phrase qu’il m’avait glissée à l’oreille ce 24 juillet 2006, juste avant que la porte du panier à salade ne se referme sur moi, juste après que j’aie lancé : « C’est Sarkozy qui vous met dans cet état ? » La petite phrase qui fait froid dans le dos, agrémentée d’une pichenette de tonfa dans les côtes pour faire digérer le message.
« T’as de la chance qu’Il soit pas président ! »
– Eté 2006, avenue de Clichy. Je passais par-là avec mon équipier. Je sais pas ce que t’avais fait, mon salaud, mais t’étais drôlement excité…
– J’avais rien fait…
– Ça, c’est pas mon problème. Nous, on voit des collègues aux prises avec un fou furieux, on accourt. Tu vois, bonhomme, on s’est retrouvés… C’est chouette, ça… on va pouvoir finir le travail… Parce que maintenant il est président, Toto ! Jackpot ! L’ordre va régner, t’inquiète… On va pouvoir respirer. L’ORDRE, BORDEL ! Tu comprends ça ?
J’ai hoché la tête.
– T’as pas de chance d’être tombé sur moi, Toto ! Tu comprends ta douleur, là ? a ajouté ce salaud en me vrillant le menton d’une poigne de fer.
Oui, j’avais compris. Oui, on s’était retrouvés, oui, maintenant, Il était président… Et non seulement Il était président, mais Il m’avait envoyé un émissaire. Faciès au couteau, gorgé de haine, regard acéré de la folie des hommes, furieuse, sauvage, la loi du plus fort et du plus mort, dans la jungle des villes les mâles en uniforme ont tous les droits… J’avais mis du temps à saisir. Ma tête en ruine : arcades éclatées, chairs tuméfiées, dents cassées, langue marinant dans un bouillon de sang, mâchoire défoncée, il y avait déjà longtemps qu’elles avaient compris tout ça, elles. Ça avait juste mis un peu plus de temps à arriver jusqu’à mon cerveau. Le reste du corps, un désastre… L’ordre nouveau était en marche. Le petit coq hongrois a pris le pouvoir, les petits kops hongrois ne se sentent plus pisser de joie…
Nicolas de Sarközy de Nagy-Bocsa.
Te voilà donc.
Je ferme les yeux. Façon de parler, ça m’est devenu presque impossible de les ouvrir tellement ça brûle. Je presse mes paupières, fort. Pour ne plus voir l’enfer autour de moi, l’enfer putride du commissariat, les égouts de la haine. Et ça marche ! Peu à peu le milicien s’efface. Les barbares ont disparu. Les couleurs prennent le dessus sur les douleurs. Et je me baigne, enfin. Je me retire, lentement, dans un sirop de jouvence, et je pense à toi, petit Nicolas…
Nicolas de Sarközy de Nagy-Bocsa
Tu as pourtant dû être un petit bonhomme en culottes courtes, toi aussi, qui roulait ses crottes de nez entre ses doigts jusqu’à en faire des boulettes élastiques, qui reniflait avec un mélange de délice et de terreur son index glissé dans le fondement, qui courait après les chats, qui pissait sur les toiles d’araignée dans la rosée du matin, pissait plus loin que le bout de son nez, qui mourait d’envie d’aller voir ce qui se tramait sous les jupes des filles. Et toi aussi, le Barbare sans nom, malgré tes grands airs d’inspecteur Harry insensible à la douleur des hommes, tu as dû être un môme avant que d’être le bourreau, le violeur de conscience, le matador, la brutamatraque… Tu as dû jouer aux billes, toi aussi, au cerceau, à la chandelle, aux gendarmes et aux voleurs, gun, gun, gun, on n’était pas du même côté, déjà… Et quelque chose a dû se passer à ce moment-là, Nicolas, qui t’as rendu la vie si dure, si brutale, une pénible équation irréductible qui a fait de toi un enfant vachard, acharné à broyer la moindre brindille qui se mettrait en travers de ta route comme si une horde de Huns féroces menaçait de te trancher le scalp, la langue, le kiki…
Nicolas de Sarközy de Nagy-Bocsa.
Et tout à coup j’ai compris.
Tu perds le Nord, ta vie ne tient plus qu’à un souffle, mais tu as tout compris !
Compris les coïts de haine. La rage des déchus de la conscience, des bafoués orgueilleux qui ont tant de mal à porter la besace sans fond de leurs rancœurs. La quintessence de ce « t’as de la chance qu’il soit pas président » était là, claquante comme une noix de coco qui éclate entre les mains d’un singe, roulant dans mes yeux pochés de sang.
Et j’ai revu cette femme.
J’ai revu cette femme incroyable que j’avais rencontrée au Sénat lors d’une journée contre les violences policières – ma première rencontre avec l’arbitraire policier m’avait fourni l’occasion d’écrire un pamphlet contre le tout-puissant ministre des « libertés policières », dont tout le monde s’était battu l’œil, à part quelques milliers de fous avides de liberté, et qui m’avait rendu fier comme un pou le temps d’un automne. Cette femme d’origine hongroise, dont toute la famille avait péri dans les camps nazis, qui écrivait des poèmes sur la Déportation et militait au Parti communiste m’avait avoué, l’œil pétillant, avoir torché le cul du petit Nicolas, à Neuilly-sur-Seine, quelques années après que son père eût décidé de fuir son pays de Hongrie, à l’époque où ceux qui choisissaient les immigrés étaient ceux-là même qui prenaient la route ou la mer par une nuit sans lune, et pas les petits couteaux zélés de la statistique, nostalgiques des longs hivers verdâtres de la Paponie renaissante. Elle m’avait expliqué qu’en hongrois sarközy signifiait littéralement « d’entre les boues », avec son accent délicieux, que d’un point de vue psychanalytique cela éclairait merveilleusement le caractère farouche du petit homme, cette volonté impétueuse de montrer les crocs, ce désir vertigineux de s’arracher à tout prix de la fange originelle et sur son passage tout renverser, tout écraser, détruire, ravager, expulser, et ce jaillissement infantile se concrétisait quarante ans plus tard par une féroce soif de revanche, un appétit de pouvoir carnassier – lui qui ne mange pas de viande et ne boit que de l’eau… déjà, petit, il se ruait sur les pâtisseries… –, et maintenant que le pouvoir était entre ses mains d’airain, il n’allait pas faire comme ce pauvre Chirac : se laisser engluer dans les marécages de la petite besogne politique… Le petit homme ne voulait à aucun prix regarder derrière lui, vers cette ville de Nagy-Bocsa qui signifiait en hongrois « terre informe », et c’est pourquoi, disait-elle, il était obsédé par les aurores atlantiques, les grands-messes solennelles, les banquets de la victoire, les roulements de tambour, les capitaines d’industrie cousus d’or, les anges radieux de l’Ordre qui le délivreraient enfin de tout le mal secret qu’on lui avait osé lui faire, enfant. Et voilà pourquoi il déployait toute cette débauche d’énergie afin d’écrabouiller les grains de sable rongeant les piliers de sa cathédrale, ces dissidents au mauvais esprit qui voyaient le mal partout… Et la dame avait ajouté, les yeux soudain secs de son passé meurtri, qu’il y avait là un petit air de déjà-vuqui ne lui rappelait pas que des bons souvenirs, un arrière-goût de guerre civile, de pogroms, de terre brûlée, et les présages prégnants d’un fascisme qui ne disait pas son nom, auquel la France sarkopéniste était insidieusement en train de se donner. Avant de me quitter, l’exquise dame, qui s’appelait Liliane, avait ajouté que le petit Nicolas, tout môme, était déjà caractériel, une tête à claque impossible. Et évidemment, nous avions ri, et dans ma bulle catafalque je ris encore, je repense à cela, qui me fait oublier que je suis en train de me dissoudre dans une nuit de glace, et avant de plonger dans la tranchée froide de mon oubli j’ai songé qu’ils allaient se poser mille questions, peut-être qu’il s’est mis à flipper, qu’il n’a plus envie de souffler ses cinquantes bougies, peut-être qu’il s’est égaré dans le jeu de piste, peut-être qu’il a perdu le fil d’Ariane, peut-être qu’il s’est fait bouffer tout cru par le Minotaure, si au moins je savais où la fiesta a lieu j’aurais pu demander à un de ces braves fonctionnaires d’envoyer quelqu’un pour dire que je serais en retard… mais non…
6
Vous avez entendu ?… Il a ri.
Ri ? Avec tout ce qu’on lui a mis, c’est un solide…
Tu dirais pas comme ça, à la voir…
Il fait quoi, là ?
Je crois qu’il dort…
Tu crois pas plutôt qu’il est…
S’il était… il aurait pas ri, arrête de déconner…
Qu’est-ce qu’on fait de lui, capitaine ?
Ramos !! Ramos !
Vous faites suer, les gars ! Ce con de Rusty est responsable de toute cette merde, qu’il assume !
On est tous dans le même bain, Ramos, n’oublie pas ça ! Et n’oublie pas que le chef de poste, c’est toi et pas ta grand-mère qui fait du pédalo !
Bon, moi, je vais chercher l’OPJ…
Tu veux pas non plus appeler les bœufs-carottes ! Non, mais il est débile, ce mec !
Eh… Rusty…
Rusty, qu’est-ce que tu fais ?!… Mais t’es malade !
Quand le vin est tiré, il faut le boire, Toto…
Mais tu vas quand même pas…
C’est rien, bonhomme, rien qu’un mauvais moment à passer…
Rengaine ton gun, Rusty !
Ta gueule, Ramos !
Rusty, je ne te le dirai pas deux fois ! Capitaine…
Ta gueule, sale nègre !
Pop-pop.
Oh, le coup est parti tout seul… Trop sensible, X26…
T’aurais fait un piètre milicien, Ramos. C’est dommage, parce que je t’aimais bien…
Pop-pop.
Pfff, pfff… Le président va être content, j’ai fait du bon travail…
PUTAIN ! RUSTY ! QU’EST-CE QUE T’AS FAIT ! T’ES COMPLETEMENT DÉCHIRÉ !!!!!

7
C’est fini, ils sont morts. Ils sont tous morts. J’ai réussi à me débarrasser de ces douze salopards. C’est ça qui compte. Je suis plus fort que Lucky Luke. Les enfants pourront être fiers de moi. Je suis trop fort. Je me relève. J’ai mal aux cheveux. J’ai dû m’ouvrir le crâne en tombant de vélo. J’aimerais bien ouvrir les yeux mais je ne peux pas. Essayons les narines. Un parfum. Son parfum. Et puis des fleurs aussi. Ça sent les fleurs et le parfum. Je l’entends qui trottine sur le trottoir, je reconnais son pas. Bon anniversaire, mon chéri… Je sens sa main qui se pose sur ma joue, en douce. Elle est… si douce… Et je ne comprends vraiment pas… pourquoi elle pleure… alors que c’est… mon anniversaire et que nous sommes… tous… réunis…