mercredi 29 avril 2020

Je venais de nourrir les renards du Père Lachaise quand les flics me sont tombés dessus, par Jules Bénuchot (Journal d’un confiné #44)

Jules Bénuchot vit à Paris, près du canal Saint-Martin. Il partage son temps entre le cimetière de Montmartre, où il nourrit les chats orphelins de M. Marcel, le cimetière du Père Lachaise, où il prend soin d’un couple de renards et de leurs deux renardeaux, et le cimetière de la fiction, où il est confiné à perpétuité.
Voici ce qui arriverait si ce vieux monsieur (très alerte et ayant toute sa tête) mettait les pieds dans une rue de Paris à l’heure du confinement, afin de s’adonner à son activité préférée : aller à la rencontre des gens. Ce qui, comme vous le savez, est mission impossible.

  – Police, papiers du véhicule, s’il vous plaît !
  – Papiers du véhicule ? Mais je suis à pied…
  – Ne faites pas le malin, monsieur ! 
  – Enfin, tout de même, monsieur l’agent, vous voyez bien que je suis à pied ! C’est un monde…
  – Vous utilisez bien vos pieds pour marcher ?
  – Euh, oui…
  – Alors présentez-moi votre attestation de déplacement !
  – Comment ça, autorisation de déplacement ? Il faut une autorisation pour…
  – J’ai dit attestation, pas autorisation, arrêtez de me prendre pour un imbécile.
  – Mais je peux très attester que je marche sans montrer mes papiers !
  – Il veut vraiment avoir des emmerdes, Pépère ?
  – Je suis resté poli, monsieur l’agent…
  – Que faites-vous dehors à cette heure ?
  – Je vais donner à manger à mes renards au Père Lachaise, voilà ce que je fais dehors ! Et puis quoi encore !
  – Bon, ça suffit, maintenant ! Pièce d’identité, attestation de déplacement, smartphone. Vous avez été testé ?
  – Mais vous êtes complètement maboule, ma parole !
  – OK. Okay-okay. Il veut la totale, le monsieur ? Eh ben, il va l’avoir ! Défaut d’attestation de déplacement, défaut de masque, défaut de gants, non respect des gestes-barrières, défaut de puce Covid-19, refus d’obtempérer, outrage, j’ai comme l’impression qu’il va exploser son minimum vieillesse, Papy !
  – Mais enfin, monsieur, c’est une blague !
  – Il veut pas plutôt retourner dans son Ehpad avec ses copains, au lieu de traîner dans les rues ?
  – C’est un abus de pouvoir, je vais en parler à mon avocat !
  – C’est ça !… Cindy ! Ramène tes fesses et un détecteur, j’ai une suspicion de Covid !

En attendant la fin du confinement, et la résurrection (prévue pour 2034) du roman L’Esprit Bénuchot, d’où Jules Bénuchot s’est échappé, bravant les interdits gouvernementaux, voici quelques balades dans les rues de Paris, publiées sur le site du roman, qui comportent 44 rubriques. Ça tombe bien, nous sommes aujourd’hui à J 44.


Si vous avez loupé les épisodes précédents :
Les linceuls n’ont pas de poches, par Philippe Leleux, libraire (#43)Faute de protections, des soignants souffrent, contaminent et succombent, par Mediapart (#42) Le corbeau au cerveau confiné et la couturière empêchée de fabriquer les masques (#41) / Mon cœur, mon cœur, calme-toi, ça va aller, on s’en sortira, par Anne Tardieu (#40) Plus terrible que le coronavirus : le macronavirus (Covid-22 à double souche outrage et rébellion (#39) / Grands prédateurs. Charles Ruggieri et Sophie Boissard, fondateur et PDG des Ehpad Korian (#38) / “T’as voulu voir le salon”, le tube de l’été confiné (#37) / Macron, tes « jours heureux », tu peux te les mettre quelque part ! (#36) / Voyage (anxiogène) dans le métro avec Le Parisien sous le bras et un autre à portée de postillon (#35) / La prophétie du canard madré (# 34) / Le 11 mai, ça ne passe pas, M. Blanquer, par Laurine Roux, enseignante (#33) / Si les hôpitaux ont tant souffert, ce n’est pas la faute d’un pangolin, mais celle du gouvernement, par Iven, infirmier aux urgences (#32) Exclusif. Le classement « ConfinFrance » des préfets préférés de Castaner (#31)

mardi 28 avril 2020

Les linceuls n’ont pas de poches, par Philippe Leleux, libraire à Amiens (Journal d'un confiné #43)

Ancien ouvrier du livre, Philippe Leleux exerce depuis 1988, avec sa compagne Élise, la vieille et noble profession de libraire-éditeur, dans le quartier Saint-Leu d’Amiens, à deux pas de la cathédrale, où il est confiné.
C’est dans cette magnifique librairie posée entre deux canaux que nous nous retrouvons chaque année au mois de mai [sauf cette année], lors de la manifestation Leitura Furiosa, organisée par l’association de lutte contre l’illettrisme Le CardanLes éditions du Labyrinthe (roman, littérature en langue picarde, documents, poésie) ont publié une quarantaine de titres.

Depuis les images venues de Chine, début janvier, d'une ville dénudée de ses habitants par un virus atomisé  je ne suis pas tranquille et pourtant tout était fait pour nous tranquilliser. Comme si le gouvernement, surdiplômé d’État et d’économie, ne doutait de rien, protégé de tout ; des jacqueries jaunes, des « réactionnaires » rouges, des casseurs noirs et des verts boutonneux. Rien de cette horde bigarrée et résistante ne pouvait freiner nos sociétés en marche vers le confort des investisseurs et des actionnaires. La formidable soldatesque, mise en rangs serrés à coups de prime, allait mettre tout le monde d’accord à coups de trique : une seule voie était écrite et une seule voix la portait, médiatique et politique. Notre chemin était toujours le même, de la crèche à l’EHPAD, travailler plus, plus longtemps, exploiter toujours plus la nature en la griffant inlassablement de nos petits doigts de travailleurs. Le monde ira ainsi et jusqu’à sa perte au service de ce destin commun : plus vite, plus riche, plus fou, plus égoïste, plus schizophrène, plus meurtrier, plus ravageur.


Si vous avez loupé les épisodes précédents :
Faute de protections, des soignants souffrent, contaminent et succombent, par Mediapart (#42) Le corbeau au cerveau confiné et la couturière empêchée de fabriquer les masques (#41) / Mon cœur, mon cœur, calme-toi, ça va aller, on s’en sortira, par Anne Tardieu (#40) Plus terrible que le coronavirus : le macronavirus (Covid-22 à double souche outrage et rébellion (#39) / Grands prédateurs. Charles Ruggieri et Sophie Boissard, fondateur et PDG des Ehpad Korian (#38) / “T’as voulu voir le salon”, le tube de l’été confiné (#37) / Macron, tes « jours heureux », tu peux te les mettre quelque part ! (#36) / Voyage (anxiogène) dans le métro avec Le Parisien sous le bras et un autre à portée de postillon (#35) / La prophétie du canard madré (# 34) / Le 11 mai, ça ne passe pas, M. Blanquer, par Laurine Roux, enseignante (#33) / Si les hôpitaux ont tant souffert, ce n’est pas la faute d’un pangolin, mais celle du gouvernement, par Iven, infirmier aux urgences (#32) Exclusif. Le classement « ConfinFrance » des préfets préférés de Castaner (#31)

lundi 27 avril 2020

Faute de protection, des soignants souffrent, contaminent et succombent, par Mediapart (Journal d’un confiné #42)

Hier, j’apprenais le décès de la mère d’une amie, infirmière, décédée à 49 ans des suites du Covid-19, après plus d’un mois de réanimation et des complications qui ont fini par l’emporter et ajouter son nom à la longue liste des soignants fauchés par le virus.
Colère et tristesse. Je partage cette enquête de Mediapart, contenant des révélations qui n’apparaîtront jamais dans les litanies statistiques de Jérôme Salomon.
Leur situation n’est jamais évoquée dans les statistiques diffusées chaque soir par le directeur général de la santé Jérôme Salomon. Pourtant, pas assez protégés, les soignants tombent malades, contaminent leurs propres patients, leurs proches, et meurent de l’épidémie. Le phénomène, d’une ampleur inédite, suscite l’inquiétude et l’exaspération de soignants, qui ne devraient pas être rassurés par une note interne de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP)  : le navire amiral des hôpitaux français prévoit de continuer à faire travailler, dans la perspective du déconfinement, les soignants testés positifs au Covid peu symptomatiques et non immunisés.
Initialement rédigée le 11 avril, la note a été mise à jour le 13 avril, après l’annonce par Emmanuel Macron de la date du 11 mai pour le déconfinement. Sur six pages, Martin Hirsch, son directeur adjoint François Crémieux, son directeur médical de crise, le professeur Bruno Riou, et son directeur de la stratégie de transformation de l’AP-HP, Frédéric Batteux, listent les risques auxquels l’AP-HP doit faire face, les solutions envisagées et la préparation du déconfinement. « Les soignants étant exposés, il est indispensable de les considérer comme prioritaires pour les tests », indique le patron de l’AP-HP dans le document. Avant d’expliquer qu’une partie du personnel, même s’il est testé positif, devra en réalité continuer à travailler : « Induire une politique large d’éviction (des PCR + [testés positifs] pas ou peu symptomatiques ou des non immunisés) rendrait impossible la continuité du système des soins », justifie-t-il.
Jean-Jacques Razafindranazy, le premier médecin décédé
La direction de l’AP-HP organise ainsi la mise en danger des soignants mais sait que « cela sera un point très délicat à discuter et à faire accepter avant de commencer le dépistage à large échelle dans ces populations ». D’autant que le personnel est déjà exposé aux risques de « l’épuisement, du burn-out et du stress post-traumatique », exacerbés par « les premiers décès qui surviennent parmi les soignants » et par « l’extrême frustration de devoir toujours rationner les équipements de protections et certains médicaments ». « L’exposition au risque est réelle et se traduit maintenant par des décès », reconnaît Martin Hirsch, en estimant qu’« il faut vite pouvoir dire aux soignants que leur situation est bien prise en compte , pour éviter toute démobilisation alors que la crise sanitaire va se prolonger ».
Interrogée sur cette nouvelle doctrine, l’AP-HP minimise en parlant d’une « réflexion générale  », et indique que la « politique appliquée » est celle d’un dépistage massif pour la sécurité du personnel. Mais ce nouvel hiatus illustre, si c’était nécessaire, l’absolue confusion qui règne : personne ne teste de la même façon, personne n’applique les mêmes précautions, personne ne fait remonter les infos à l’identique, et, dans ce contexte, il est impossible d’obtenir des statistiques nationales fiables. À l’AP-HP, sur 100.000 personnels, 4.275 ont présenté des tests positifs au Covid-19. « 7 sont en réanimation et 3 sont décédés », précise Olivier Youinou, co-secrétaire du syndicat SUD Santé. L’AP-HP se félicite de son côté, le 23 avril, que « le nombre de personnels atteints par le virus continue à diminuer ».
Le 20 avril, 35 soignants ont été testés positifs, alors qu’ils étaient 200 en moyenne chaque jour deux semaines plus tôt. Selon nos calculs, au 14 avril, près d’un quart des tests positifs pratiqués dans les hôpitaux de Paris concernaient des soignants. Les autres établissements ne sont pas en reste : selon un document interne de l’Agence régionale de santé Île-de-France que nous avons pu consulter, le nombre de cas dans les établissements sociaux et médico-sociaux s’élève, au vendredi 24 avril, à 14.797 (225 nouveaux cas en 24 heures), dont 8 942 pour les seuls Ehpad de la région.
Les mêmes chiffres, impressionnants, témoignent de la déflagration de l’épidémie dans les hôpitaux de l’est du pays. Depuis le 1er mars, 571 agents de l’hôpital de Mulhouse ont été placés en arrêt de travail pour « Covid avéré ou suspecté ». Soit près de 10 % du personnel. « 26 professionnels ont été hospitalisés. » À ce jour, il y en a encore « 17 », selon la direction. « Aux urgences, environ 20 % du service a été contaminé », témoigne une infirmière de cet hôpital, qui dit avoir « baigné dans le virus pendant des semaines ».
Elisabeth Adjibodou, aide-soignante
À Strasbourg, 570 professionnels des hôpitaux universitaires ont été dépistés Covid positifs au jeudi 23 avril, dont « 235 » sont revenus au travail, indique l’établissement. Aux hôpitaux civils de Colmar, on comptabilise « 358 résultats Covid-19 positifs » depuis la mise en place d’un centre de prélèvements pour les soignants. Un médecin est hospitalisé.
L’hôpital est-il aujourd’hui un cluster, c’est-à-dire un lieu ou l’épidémie circule encore activement ? En réponse à nos questions, l’AP-HP affirme que « la grande majorité des cas de Covid-19 est d’acquisition communautaire et non hospitalière dans [ses] hôpitaux ». Cette thèse est de plus en plus contestée.
Le dernier soignant décédé, le médecin urgentiste de Lons-le-Saunier Éric Loupiac, 60 ans, mort du Covid-19 jeudi 23 avril, avait été contaminé le 6 mars, « au contact d’un des premiers patients atteints du Covid-19 qui s’est présenté dans leur service d’urgences », explique un de ses collègues, infirmier. « Il a été contaminé au début de l’épidémie, quand on nous disait que les masques n’étaient pas si importants », s’agace le médecin urgentiste Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), qui décrit Éric Loupiac comme « un homme de 60 ans en bonne santé, sportif, qui ne présentait pas de facteur de risques ».
Le professeur Éric Caumes, chef de service des maladies infectieuses à la Pitié-Salpêtrière,
rappelle que « l’hôpital est un important foyer potentiel de contamination dans tous les pays du monde ». « En France, ajoute-t-il, des soignants continuent à travailler alors qu’ils sont positifs, d’autres ne se font pas dépister malgré l’existence de symptômes évocateurs ». Autrement dit : rien n’est fait pour bloquer la circulation du virus à l’hôpital.
Aucun protocole national de dépistage des soignants
Éric Loupiac, urgentiste
Certains groupes hospitaliers font l’effort de compter le nombre des soignants contaminés, mais ce sont des exceptions. Selon une étude conduite auprès de 1 300 médecins par le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (Snphar-e), 37 % observent « une omerta » sur le taux local de contamination dans leur hôpital.
Pour l’académie de médecine, la transmission au personnel soignant est même un « point aveugle de l’épidémie ». Existe-t-il des directives officielles sur le décompte des soignants contaminés ? Interrogée, la Direction générale de l’offre de soins, au sein du ministère de la santé, nous a répondu qu’il existait « depuis peu » un dispositif de « remontée des cas d’infections survenant parmi les personnels des établissements de santé ». Ce dispositif est censé fonctionner, mais aucun cas n’est pour l’instant mentionné sur le site indiqué.
Pour Yasminal Kettal, infirmière aux urgences de l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis et membre du Collectif Inter-urgences, « l’absence de statistiques montre bien que les soignants contaminés, ce n’est pas important. C’est pourtant leur responsabilité d’employeur de suivre les contaminations, service par service, et de revoir les règles d’hygiène là où c’est nécessaire ». « Ils sont partis du postulat qu’on allait tous être contaminés », dénonce-t-elle. Dans son service, « 25 membres du personnel ont été contaminés, sur 90. Certains étaient dans un état grave, c’était flippant ». Elle-même a été arrêtée une semaine, en raison d’une forte fièvre, d’une fatigue intense, de courbatures, quelque chose de « costaud ». Elle a été testée au début de ses symptômes, mais le test est revenu négatif. Chez les personnes contaminées, 30 % des tests sont des « faux négatifs » : ils ne détectent pas le virus, alors qu’il est présent, mais pas encore dans la gorge ou le nez, là où sont pratiqués les prélèvements.
Les chiffres connus ne représentent donc qu’une partie des contaminations de soignants, en raison de ces faux négatifs, du nombre de cas asymptomatiques, mais surtout de pratiques de test très variables d’un établissement à l’autre. « Dans certains services, une simple fièvre justifie un test, explique Olivier Youinou, co-secrétaire du syndicat SUD Santé de l’AP-HP. Mais ailleurs, il faut présenter une détresse respiratoire pour l’obtenir. C’est à l’appréciation de l’encadrement et du management. Certains estiment que les soignants suspects de Covid-19 doivent continuer à travailler avec des masques. » L’AP-HP se protège derrière la « consigne » donnée de « dépister tous les soignants au moindre symptôme, même faible ».
« Il n’y a pas de protocole national de dépistage, cela se fait selon les services de médecine du travail, appuie Béatrice, interne en médecine du travail dans un hôpital d’Île-de-France. Dans mon hôpital, chaque soignant qui présente des symptômes est testé. On teste assez large. Quand deux ou trois soignants sont positifs dans un même service, on teste tout le monde pour identifier les clusters. Cela a mis du temps au début, malheureusement ; on a navigué à vue. »
Mohammad Hassen Hossenbux, médecin
Les cas de soignants testés positifs au Covid, et même malades, qui continuent à travailler sont nombreux, spécialement chez les médecins. « Deux médecins de mon service de réanimation ont continué à travailler en étant malades. Ils expliquaient qu’ils n’avaient pas de symptômes, donc qu’ils n’étaient pas contagieux. Nous, on ne comprend pas ce discours », témoigne un aide-soignant d’un hôpital parisien. Et en effet, des études scientifiques de plus en plus nombreuses montrent que les patients atteints contaminent quelques jours avant l’apparition des symptômes. C’est précisément pour cette raison que l’épidémie de SARS-CoV-2 est si difficile à contrôler.
Sandra Fournier, du service de prévention du risque infectieux, assure que « les personnels positifs au Covid-19 sont arrêtés pour au moins sept jours. Cet arrêt peut être prolongée si l’état clinique le nécessite ».
Le professeur de réanimation Jean-Michel Constantin confirme pourtant qu’il « connaît des médecins qui ont continué à travailler en étant positifs. Mais ils étaient dans des services dédiés aux malades du Covid-19 et ils portaient en permanence des masques pour protéger les autres ». Le syndicaliste et infirmier anesthésiste Olivier Youinou tance : « Nous travaillons ensemble, nous faisons des gestes ensemble, d’une manière très rapprochée. Ces médecins peuvent nous contaminer ! »
L’infectiologue Éric Caumes est clairement en désaccord avec ces pratiques : « J’ai eu deux clusters dans mon service. Je l’ai fait dépister en totalité, même les personnes non symptomatiques. Nous avons trouvé une dizaine de cas, sur deux étages différents. Tous sont rentrés chez eux, parce qu’il faut casser les chaînes de contamination. Il faut être exemplaire vis-à-vis de nos personnels. »
Le blocage des chaînes de contamination bute aussi sur un problème structurel : le manque de matériel de protection. « Rien n’est réglé ! Quand le gouvernement dit qu’il a répondu aux problèmes, c’est faux. À 15 jours du déconfinement du 11 mai, le problème du matériel de protection n’est toujours pas solutionné, c’est inimaginable », s’agace Astrid Petit, sage-femme et membre de la direction fédérale de la CGT. Faute de recensement public, le syndicat a lancé, depuis la fin du mois de mars, ses propres enquêtes nationales sur les contaminations de soignants et le manque de matériel.
Les deux premières ont montré un « bond impressionnant » des taux de contamination. « Dans les premiers résultats, le 6 avril, nous avions 2 746 soignants contaminés sur 400 000 salariés, ce qui représente un taux de contamination six fois supérieur à celui de la population. Lors de l’actualisation de l’étude, le 16 avril, nous étions à 6 676 soignants contaminés, alors que nous avons eu moins de réponses (132 syndicats, représentant 273 000 salariés). » Surtout, la CGT a enregistré 10 agents décédés du Covid-19 au 16 avril, contre un seul dix jours plus tôt.
Sami Reda, médecin
Une nouvelle enquête, dont les résultats sont en cours de traitement, sera publiée dans les prochains jours. Dans des résultats intermédiaires, au 23 avril, 62 % des interrogés ont répondu « oui » à la question « Manquez-vous de matériel de protection ? ». Dans l’ordre, les soignants ne s’estiment pas assez dotés en blouses de protection (dans 75 % des réponses ; relire par ailleurs notre enquête ici), ensuite en masques de protection FFP2 (dans 56 % des réponses), puis en masques chirurgicaux.
« Des problèmes concernant les gants apparaissent aussi dans cette enquête, dans 16,5 % des réponses », relève également Astrid Petit. « Dans 60 % des réponses, à ce jour, les professionnels n’ont pas non plus d’accès facile au dépistage. C’était 67 %, le 6 avril. Il y a un léger mieux, mais la tension est toujours là. Et je le rappelle, le déconfinement est dans 15 jours », ajoute la syndicaliste.
La médecine de ville n’est pas épargnée. Bien au contraire, puisqu’elle paye un lourd tribut depuis la propagation du Covid-19. « Au début de la crise, on n’a rien reçu, aucune protection supplémentaire, explique Francis, médecin à domicile dans une région fortement impactée par le virus. On s’est organisés avec nos relations. Des médecins plus anciens nous ont dépannés avec des vieux masques de la période Bachelot. Une entreprise de métallurgie nous a aussi donné des FFP2, des combinaisons et des solutions hydro-alcooliques. J’ai fait 30 bornes pour aller récupérer quelques masques chez un cuisiniste. Les masques étaient pleins de poussière, entreposés au fond d’un garage. »
Le groupement de Francis – une cinquantaine de médecins – a aussi développé, depuis mars, son propre circuit d’approvisionnement avec la Chine : « On a aussi réussi à avoir un contact là-bas qui vérifie la qualité sur place avant de nous les envoyer. On se croit un peu comme des trafiquants. On a l’impression de dealer de la drogue, alors que ce sont des masques ! » Les médecins « font venir une petite quantité à chaque fois, 300 ou 400, en espérant ne pas être saisis par la douane ». « On a voulu faire une grosse livraison pour tenir trois mois mais c’était trop cher, plusieurs dizaines de milliers d’euros, on ne pouvait pas l’assumer. » Malgré la dotation actuelle de l’État, revue à la hausse après les dernières importations, « si on n’arrive plus à se fournir par nos propres moyens, on doit s’arrêter le 2 mai ». « On ne prendra pas le risque d’aller chez les gens sans FFP2 », ajoute-t-il. À ce jour, six médecins sur la cinquantaine de son groupement ont été dépistés positifs au Covid.
La crainte de transmettre le virus aux autres, c’est aussi ce qui habite Mélanie, infirmière en unité Covid au CHU de Strasbourg. « Dans mon service, je dirais que ce sont trois-quarts des infirmières qui ont attrapé le Covid. Je n’ai pas eu de symptômes, mais je ne sais pas par quel miracle je ne l’aurais pas eu, explique-t-elle. C’est très dur psychologiquement. On ressent de la culpabilité de contaminer ses proches. »
Jacques Acar, infectiologue
Mélanie et son mari font chambre à part. « Mes enfants ont développé des symptômes liés au stress. Ma fille me dit souvent : “Reviens maman, je ne veux pas que tu meures, je veux retourner dans ton ventre pour être protégée.” Le sacrifice est lourd quand même », dit-elle, prise par l’émotion. « On a soigné des membres de la famille de collègues, reprend Yasmina Kettal, à Saint-Denis. Comment ont-ils été contaminés ? On est aussi terrifiés pour nos proches. »
Même problématique chez les sapeurs-pompiers. « J’ai été en contact avec une personne qui avait les symptômes du Covid, donc on m’a demandé de porter un masque chirurgical en permanence pendant ma garde, explique Hugo, qui exerce en Moselle. J’ai eu peur d’être vecteur du virus chez moi. On me demandait de porter un masque toute la journée mais on me laissait rentrer à la maison sans rien. C’est dur à comprendre. J’ai du coup adopté des mesures de sécurité maximales, pour ne pas contaminer mes proches. Mais ce n’est pas facile avec un enfant en bas âge. J’allais dormir dans notre chambre d’amis. »
Comme le ministère de la santé, le ministère de l’intérieur ne fournit aucune donnée publique sur les taux de contamination des sapeurs-pompiers. Officiellement, il n’y a eu qu’un seul cas de soldat du feu décédé à cause du Covid-19. Olivier Lugand, 58 ans, était, comme le rapporte Le Parisien, pompier volontaire dans les Yvelines. Il est décédé dans la nuit du 11 au 12 avril. Mais, assure une source à la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC, la direction au sein de Beauvau qui chapeaute les sapeurs-pompiers), Olivier Lugand n’avait pas participé à des interventions sur des personnes atteintes par le coronavirus. En revanche, il était infirmier de profession et aurait pu être contaminé dans le cadre de son activité professionnelle.
Fin mars, Le Figaro indiquait qu’il y avait déjà plus de 200 pompiers atteints du coronavirus et 2.000 autres confinés en raison d’une suspicion de contamination. Début avril, le lieutenant-colonel Gabriel Plus, le porte-parole la brigade des sapeurs-pompiers de Paris évoquait lui dans 20 Minutes « une trentaine de cas avérés sur les 8.500 pompiers de la brigade. Trois d’entre eux ont dû être hospitalisés en réanimation mais sont désormais sortis ». Selon nos informations, il y a désormais 110 sapeurs-pompiers de Paris testés positifs et quelque 350 cas présentant des symptômes suspects.
Les soignants ne disent pas merci à Buzyn, Macron et Véran
Le ministère de l’intérieur et la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises n’ont pas souhaité répondre à nos questions. Y compris celles concernant les tensions sur les stocks de matériel de protection. Ce silence est d’autant plus embarrassant que, selon nos informations, plusieurs directeurs de Sdis, les services départementaux d’incendie et de secours semés dans tout le territoire, avaient tiré la sonnette d’alarme auprès de leur autorité de tutelle, concernant la pénurie prévisible de masques chirurgicaux et FFP2, dès le mois de février.
Des alertes remontées par des appels téléphoniques, des mails mais aussi le « blog des directeurs », un fil de discussion ouvert à 200 personnes comprenant tous les directeurs de Sdis, leurs adjoints, la haute hiérarchie des sapeurs-pompiers et la DGSCGC. Ceux qui s’y expriment tiennent un discours radicalement différent de celui tenu publiquement au même moment par les plus hautes autorités de l’État. Comme ce 27 février, jour où le DGS Jérôme Salomon déclare publiquement qu’« il n’y a pas de sujet de pénurie ». Au même moment, le colonel Jean Moine, directeur du Sdis de la Charente, prend la plume sur le blog des directeurs. « En février, on a commencé à réfléchir à reconstituer nos stocks. J’ai demandé à notre pharmacien-chef et quand il consulte ses fournisseurs habituels, il me fait état d’un niveau de prix démesuré. Les masques qu’on achetait 22 centimes étaient vendus désormais 1,5 € HT pièce. J’ai fait remonter l’information au ministère. On s’est aperçus que nous n’étions pas les seuls. Les préfectures des zones de défense nous ont ensuite alimentés en masques », explique-t-il.
D’autres directeurs sont beaucoup plus inquiets. « Notre fournisseur de masques FFP2 et 3 nous a récemment indiqué ne pouvoir être en mesure de nous réapprovisionner avant juillet 2020 ; même chose pour les masques chirurgicaux. A priori, les autres fournisseurs sont dans la même situation. Nous risquons de manquer de masques au plus fort de l’épidémie… », interpelle le directeur du Sdis du Tarn. L’adjoint du Sdis des Yvelines interroge : « Au regard de l’état de nos stocks sur l’un ou/et l’autre de ces types de masques, quelle est la doctrine préconisée par le DGSCGC, pour permettre aux Sdis de garantir dans le temps et selon les capacités de réapprovisionnement un niveau de sécurité adapté ? »
Plusieurs directeurs nous ont confirmé n’avoir jamais eu de retour de la part de leur autorité de tutelle. La DGSCGC et le ministère de l’intérieur n’ont pas souhaité commenter. « Des préoccupations se sont exprimées. On était en tension. Mais il n’y a pas eu de rupture opérationnelle où des pompiers étaient mal équipés », temporise un directeur de l’ouest de la France, dans un département peu touché par l’épidémie. D’autres laissent percevoir leur inquiétude, comme ce directeur d’un Sdis du sud-ouest de la France : « Il n’y a plus de tension sur les masques. Les FFP2, on en a encore. On réutilise des périmés. Maintenant, le problème se porte plutôt sur les blouses et combinaisons de protection. Nous avons passé des commandes pour des combinaisons jetables mais on n’arrive pas obtenir de réponse des fournisseurs sur quand on sera livrés et en quelle quantité… »
Jacques Fribourg, médecin
Le discours se durcit sur le terrain, là où la pandémie a le plus fortement éprouvé les systèmes de santé et de secours. Selon une source interne à la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, au plus fort de la pandémie, « on se protégeait uniquement pour les suspicions de Covid, faute de stocks et de visibilité sur l’approvisionnement. Au lieu de se protéger sur toutes les interventions, ce que nous aurions fait sinon, et ce que nous faisons dorénavant. »
À un moment, critique, il n’est resté que près de 6.000 masques, alors que la brigade réalise 1.200 interventions de secours à victime par jour. Soit, considérant qu’il y a trois équipiers par camion, des réserves pour deux jours d’intervention, trois si un sapeur-pompier était laissé à l’intérieur du camion au lieu de participer à l’intervention de secours.
« Rien n’a été anticipé. Zéro, se désole Lionel, un sapeur-pompier de Moselle. On s’est retrouvés avec une caisse vide de FFP2 et des notes de service contradictoires qui en ont progressivement réduit l’accès. » Un autre pompier du même département complète : « Les règles se sont assouplies au fil des jours. Au début, c’était FFP2 pour tout le monde. Mais plus on voyait le virus se propager, plus il faisait preuve de sa virulence, et plus on nous disait que le FFP2 n’était pas nécessaire… Au pire de la crise, on transportait des patients Covid à l’hôpital de Mercy [à Metz] avec un masque chirurgical et en tenue classique, avec laquelle on va aller manger. Le personnel hospitalier prenait le relai avec des blouses, des charlottes, des FFP2. C’est pourtant le même virus. »
Le cas Nicolas, un autre pompier de l’Est avec 20 ans de carrière, illustre bien toutes les limites de la stratégie française qui, pour gérer une pénurie, a restreint jusqu’à l’extrême l’accès aux tests et protections. « À la mi-mars, je suis intervenu dans un Ehpad où une dame souffrait de nausées et de diarrhée, raconte le professionnel. Nous n’avons mis nos masques qu’une fois que nous étions dans l’ambulance, à cause de la promiscuité, et encore, en théorie nous n’aurions pas dû le faire. La règle, c’est : pas de suspicion Covid, pas de masque. J’ai transgressé les règles et cinq jours plus tard, l’Agence régionale de santé m’a appelé : la dame était en fait atteinte du Covid. »
Nicolas devient alors à son tour un porteur suspect et un vecteur potentiel du virus. « L’ARS m’a dit qu’il ne fallait plus que j’aille faire mes courses, que je ne devais plus faire mon gazole mais, par contre, je pouvais continuer à aller travailler… » Ne présentant aucun symptôme, le pompier n’a pas été testé et a continué à se rendre en caserne. « On m’a demandé de porter un masque chirurgical toute la journée. » Le pompier est même retourné dans un Ehpad. « Je portais mon masque chirurgical, j’en avais les larmes aux yeux. C’était pour une mamie. Je me disais : c’est horrible, je suis une bombe à retardement, je suis peut-être en train de la tuer. J’ai fait ce métier pour protéger les gens. Je me suis dit : je ne protège plus, je risque de tuer. »

Si vous avez loupé les épisodes précédents :
Maine-et-Loire. Le corbeau au cerveau confiné et la couturière empêchée de fabriquer les masques (#41) / Mon cœur, mon cœur, calme-toi, ça va aller, on s’en sortira, par Anne Tardieu (#40) Plus terrible que le coronavirus : le macronavirus (Covid-22 à double souche outrage et rébellion (#39) / Grands prédateurs. Charles Ruggieri et Sophie Boissard, fondateur et PDG des Ehpad Korian (#38) / “T’as voulu voir le salon” (Les Goguettes), le tube de l’été confiné (#37) / Macron, tes « jours heureux », tu peux te les mettre quelque part ! (#36) / Voyage (anxiogène) dans le métro avec Le Parisien sous le bras et un autre à portée de postillon (#35) / La prophétie du canard madré (# 34) / Le 11 mai, ça ne passe pas, M. Blanquer, par Laurine Roux, enseignante (#33) / Si les hôpitaux ont tant souffert, ce n’est pas la faute d’un pangolin, mais celle du gouvernement, par Iven, infirmier aux urgences (#32) Exclusif. Le classement « ConfinFrance » des préfets préférés de Castaner (#31)

dimanche 26 avril 2020

Maine-et-Loire. Le corbeau au cerveau confiné et la couturière empêchée de fabriquer des masques (Journal d’un confiné #41)

Pas un jour, pas une minute ne passent sans que parviennent à nos oreilles confinées et déconfites une histoire consternante. Au pays de Macron, l’absurdité, l’ubuesque, l’abus d’autorité, la bêtise crasse, la violence du pouvoir inversement proportionnelle à son efficacité règnent en maître. Dans cette ®ConfinFrance en train de craquer sous toutes ses coutures, partout des individus stupides, malfaisants, ignobles ajoutent à l’incompétence, déjà phénoménale, de nos gouvernants et de leurs exécutants (policiers, gendarmes, magistrats, préfets), derniers remparts pour maintenir au pouvoir le petit Rastignac de la Somme en roue libre et en coma artificiel.
Chaque jour, chaque minute, les masques tombent. Ce qui est une façon de parler puisqu’il n’y a… pas de masques. Et comme il n’y en a pas, et que la pléthorique administration de Santé est totalement incapable de palier au problème, partout les petites mains s’attèlent à la tâche. Fabriquer des masques est devenu la grande cause nationale. En 1914, la Française était expédiée en usine pour fabriquer des obus pendant que l’époux allait se faire trouer la peau pour les industriels. Cent-six ans plus tard, alors qu’un gouvernement digne de ce nom aurait, depuis deux mois, nationalisé et remis en route la très performante usine de masques de Plaintel (Côtes d’Armor), la Française se fait couturière pour endiguer la catastrophe. À Meaux, un collectif de petites mains s’est même baptisé Les Couturières de la Marne. Une activité supposée faire l’unanimité ? Non, justement ! Quelque part en ®ConfinFrance, un corbeau vient de dénoncer une activité selon lui coupable en frappant, de ses mains gantées d’un noir corbeau [pardon pour cet oiseau génial qu’est le corbeau !], à la porte de la préfecture…
    – Toc-toc.
    – Oui, entrez !
    – Non, j’ai pas le temps, j’ai du monde à table. Je vous ai glissé un petit mot sous la porte
    – Comment, vous n’êtes pas confiné ?!?
    – Non. Juste con fini, ah, ah ! Allez, bonne lecture, M. le préfet !
L’histoire se passe dans une localité de Maine-et-Loire, Louresse-Rochemenier, connue pour ses habitations troglodytes (et le cerveau troglodyte d’au moins un de ses habitants). La douceur angevine fait de ce charmant patelin de l’ouest de la ConfinFrance un endroit où il fait bon vivre. Et où il y ferait encore meilleur si n’y sévissait un corbeau. Alors que j’étais en train de mener ma petite enquête de mon poste de confinement et que ce document me mettait sur la piste du criminel, voilà que l’histoire est racontée dans Le Courrier de l’Ouest, ce qui va me faciliter la tâche. 

Si vous aimez les corbeaux, il y a foison de vidéos !

Amandine L., couturière, décide de mettre son temps et son talent au service de la collectivité. Avec une de ses élèves, Manuella, elle fabrique à tour de bras, de piqûres et de pédale des centaines de masques. Un courrier distribué dans les boîtes à lettres de cette commune de 800 habitants informe la population que des masques sont à leur disposition. Mais cette louable intention déplaît fortement à notre corbeau, qui dénonce en préfecture un “tract politique” ! Raison de cette dénonciation ? Le mari d’Amandine fait partie de la liste qui a mis en ballotage défavorable l’actuel maire de la commune, un certain… Alain Jobard (ça ne s’invente pas !), dont on comprend mieux qu’il ne se soit pas porté au secours de la couturière. 
On s’abstiendra de tout commentaire sur l’attitude de la préfecture et de la gendarmerie dans ce Clochermerle en pays d’Anjou : au temps du Covid-19, on sait que ces administrations ont plus urgent à faire que de mettre leur autorité au service de la population. Il y a panique à la capitale ! Comme le disait si bien Louis Guilloux dans son chef-d’œuvre Le Sang noir« Anjou ! Feu ! »

Si vous avez loupé les épisodes précédents :
Mon cœur, mon cœur, calme-toi, ça va aller, on s’en sortira, par Anne Tardieu (#40) Plus terrible que le coronavirus : le macronavirus (Covid-22 à double souche outrage et rébellion (#39) / Grands prédateurs. Charles Ruggieri et Sophie Boissard, fondateur et PDG des Ehpad Korian (#38) / “T’as voulu voir le salon” (Les Goguettes), le tube de l’été confiné (#37) / Macron, tes « jours heureux », tu peux te les mettre quelque part ! (#36) / Voyage (anxiogène) dans le métro avec Le Parisien sous le bras et un autre à portée de postillon (#35) / La prophétie du canard madré (# 34) / Le 11 mai, ça ne passe pas, M. Blanquer, par Laurine Roux, enseignante (#33) / Si les hôpitaux ont tant souffert, ce n’est pas la faute d’un pangolin, mais celle du gouvernement, par Iven, infirmier aux urgences (#32) Exclusif. Le classement « ConfinFrance » des préfets préférés de Castaner (#31)

samedi 25 avril 2020

Mon cœur, mon cœur, calme-toi, ça va aller, on s’en sortira, par Anne Tardieu (Journal d’un confiné #40)

Le 25 avril 1974, au Portugal, la station catholique Rádio Renascença diffuse cette chanson de José Afonso. C'est le signal de départ de la « Révolution des Œillets » : aussitôt, de jeunes capitaines se soulèvent contre la dictature instaurée par Salazar, 48 ans plus tôt.
La suite, on la connaît – on peut se rafraîchir la mémoire sur le site Hérodote. Après quelques mois de turbulences, le pays va pouvoir reprendre sa place parmi les démocraties européennes. Quarante-six ans plus tard, alors que le gouvernement français  improvise, ment, réprime, patauge, s’avérant totalement incapable de gérer la pandémie de coronavirus, le Portugal, petit pays d’Europe, où la rentrée des classes aura lieu en septembre (par exemple), semble s’en tirer beaucoup mieux que beaucoup de ses pays voisins.
Portugal, 1974. Des capitaines, une chanson, des œillets / ConfinFrance, 2020. Toute séant posé sur un banc sera verbalisé.
En attendant de faire la révolution, et de virer à grands coups de pied au cul le gouvernement de guignols, de foutriquets et d’assassins qui nous a menés au désastre que nous connaissons, je partage le témoignage d’Anne Tardieu, Marseillaise, mise à l’amende (135 €) le 23 avril, et poursuivie pour outrage, pour avoir tenté d’empêcher des policiers de verbaliser sa mère de 88 ans, au prétexte qu’elle était assise sur un banc ! Et que, dans la ConfinFrance des Macron-Castaner-Philippe, la position statique est interdite. Tout comme il est interdit, en Macronie, de déployer sur le mur de sa maison la banderole d’utilité publique où est écrit MACRONAVIRUS : À QUAND LA FIN ?

Marseille, jeudi 23 avril après-midi.
Première contravention, ça se fête… Raisons invoquées / - Assise sur un banc avec une personne de 88 ans, plutôt fatiguée, avec quelques gros problèmes de motricité. (800 mètres de chez elle). Interdit de s'asseoir / - Dérogation écrite au crayon à papier. Interdit / La rencontre avec cette engeance bacqueuse a dégénéré assez vite. Des gros bras en brassard, censés nous apprendre la vie et la prévention. C'est vrai que nous sommes très connes, nous les vieilles, faut nous crier dessus car nous sommes sourdes, en plus de ne comprendre rien. Ah ! faut pas répondre, faut plier l’échine, leur tendre nos papiers et leur dire merci de nous protéger
Sous peine d'être traitée de « gauchiste, anarchiste, qui sans doute n'aime pas la police… »
Je finis par mal réagir quand ces bâtards veulent aussi dresser une contravention à la personne que j'accompagne qui, terrorisée, va leur donner sa carte d'identité. Je la lui prends, dis « arrêtons les dégâts ». C'est là, que le méchant frustré m'attrape par le bras, serre fort fort et pince.
Menaces en tout genre
Je finirai par lâcher : « Va te faire foutre ! »
Résultat contravention + rapport pour outrage, refus d'obtempérer.
Ouah ! Ce monde, j'en veux pas et non, dans ce cas, je ne peux rester calme et muette !!
Demain, rendez-vous médecin pour demander un certificat circonstancié pour bleus et grosse perturbation psychique.
Quand à la vieille dame que j'accompagnais, ma maman, un moment de stupeur et de tremblements.
Mon cœur, mon cœur, calme-toi, ça va aller, on s’en sortira.


Simple, pas chère : la pancarte que vous pouvez poser sur votre maison / Le coin du Professeur Cofinus.

LIRE : Plus terrible que le coronavirus, le macronavirus (Covid-22 à double souche outrage et rébellion


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