Les libertés publiques sont-elles menacées?
Si l'on compare avec les nombreux pays où elles sont bafouées, voire inexistantes, on peut toujours affirmer qu'en France les citoyens ont le droit de s'exprimer en toute liberté. À condition d'aussitôt ajouter: "à ses risques et périls, de plus en plus".
Chaque jour qui passe, en effet, nous confirme à quel point nos "libertés chéries" sont précaires, assiégées qu'elles sont par la réalité inquiétante de dérives dont on sait qu'elles conduisent, si l'on n'y prend pas garde, vers le pire.
La situation s'est sérieusement détériorée depuis qu'un certain Nicolas Sarkozy, obsédé par l'idéologie du tout-sécuritaire (pour des raisons électoralistes, mais pas seulement – le personnage est beaucoup plus complexe que cela) est arrivé au pouvoir, apportant dans ses bagages les lois ultra-répressives qu'il avait pris soin de faire voter lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, dès 2002, marchant sur les brisées d'hommes politiques, parfois de gauche, qui lui avaient auparavant tracé la voie.
En mars 2007, interrogé, pour un numéro spécial de Témoignage chrétien, sur mon hostilité au candidat Sarkozy, j'avais intitulé ma contribution "Triste bouture". La formule faisait référence à un souvenir personnel, une interpellation brutale, durant l'été 2006. Un "T'as de la chance qu'il soit pas président" asséné par un policier peu regardant sur la déontologie (et retrouvé un an plus tard dans un bureau de l'IGS), le tout assorti d'un coup de matraque dans les reins qui m'avait fait craindre le pire. Elle faisait aussi référence à une époque sombre de notre histoire, dont l'irruption de MM. Besson, Hortefeux et autres apprentis sorciers avançant (à peine) masqués sous le couvert de la démocratie, fait ressurgir les fantômes. Deux ans après, les fantômes du pire frappent à nos portes. Ils nous cernent, nous obsèdent, nous font peur. Le pouvoir sarkozyste, c'est le gouvernement par la peur.
La peur et le mépris.
La police de la République est plus que jamais au service exclusif du pouvoir, de ses mauvais coups (on n'avait pas vu cela depuis la guerre d'Algérie). Avec des dérives inquiétantes, qui se radicalisent : violences contre les citoyens, accentuées par la politique de résultat imposée aux fonctionnaires de police, gardes à vue arbitraires, devenues la règle et non plus l'exception (570.000 personnes en 2008, un Français sur cent!), criminalisation des luttes sociales, renflouage-racket des caisses de l'État sous couvert de répression routière. Citoyens poursuivis pour avoir aidé des êtres humains à vivre dans la dignité, ou tout simplement à échapper à la mort (délit de solidarité active, dont le sieur Besson ose dire qu'il s'agit d'un "mythe") ou pour avoir osé comparer la chasse aux sans-papiers aux rafles qui avaient cours sous le régime de Vichy (le délit d'outrage est très efficace dans ces cas-là, n'est-ce pas, MM. les préfets). Télésurveillance à gogo. Prolifération des fichiers et des prélèvements ADN. Lois sur la récidive envoyant en prison des personnes qui n'ont rien à y faire. Lois sur la rétention de sûreté. Suppression du juge d'instruction, garant de l'indépendance de la justice, remplacé par un juge de l'instruction aux ordres du parquet, et donc du pouvoir exécutif. (Rappelons que sans juge d'instruction, des affaires aussi graves que celles des morts de l'amiante ne seraient jamais sorties). Confiscation de l'audiovisuel public par un président de la République aussi dépourvu de scrupules que d'affect. Jusqu'à cette tentative récente de népotisme – vous avez dit "mafia"? – avec l'affaire de la nomination (ratée) du prince Jean à l'EPAD.
Oui, les libertés publiques ne tiennent qu'à un fil, celui du courage, de la vigilance, de militants qui ne se contentent pas de tirer la sonnette d'alarme, et qui, suppléant à l'inertie de ceux qui ont fait de la politique leur profession, agissent et se mettent en travers des mauvais coups d'un pouvoir porté par la soif démagogue d'un homme d'État à la courte vue, petit despote se moquant comme d'une guigne du bien public, englué dans une psychologie narcissique, obsédé par les ors du pouvoir, lorgnant avec une délectation morbide vers la tentation totalitaire.
Face au régime sarkozyste, pas de compromission possible. La démocratie française, tous ceux qui sont attachés aux libertés publiques le savent, a un ennemi. Son nom : triste bouture.
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