Caroline Gérard vit à Avignon. Elle publie chaque matin sur Facebook un texte sur le saint ou la sainte du jour. Elle s’explique dans cette « note d’intention ». Elle déclamera quelques-uns de ses textes lors du Printemps bénuchot, le 8 juin 2019, jour de la saint Médard, dont seuls les aliborons ignorent qu’il était évêque de Noyon.
De nos jours, on souhaite plutôt les anniversaires que les fêtes mais les saints s’accrochent toujours à leur place dans le calendrier. À part quelques figures célèbres, on ignore pour la plupart ce qui leur a valu d’être gratifié d’une auréole.
Voici quelques années, je me suis mise à fouiller dans les textes hagiographiques, et en premier lieu bien sûr, dans La Légende dorée de Jacques de Voragine. Quand leur vie était assez pittoresque, je la réécrivais dans un français plus moderne, ajoutant des onomatopées pour bruiter certaines actions, commentant très discrètement certains faits. J’avais soumis ces premiers textes à mon ami Pierre Autin-Grenier qui avait écrit un journal poétique, Les Radis bleus (Le Dé bleu, rééd. Folio, puis Les Carnets des Desserts de Lune), où les dates immanquablement étaient accompagnées du saint du jour. Pour lui, bien qu’athée, cette mythologie était importante. Il m’avait encouragée dans mes premiers essais pour l’ironie et la fantaisie qui s’y cachaient. Puis Pierre Autin-Grenier nous a quittés, et mes saints ont sommeillé pendant quelques années, jusqu’au jour où j’ai décidé de les sortir de leur torpeur et de leur donner un public plus large. C’est ainsi que je les ai publiés sur Facebook, au fil du calendrier, souhaitant à chaque fois une bonne fête au porteurs des prénoms du jour. J’ai progressivement abandonné La Légende dorée comme unique source pour aller chercher d’autres saints dans les traditions locales (Bretagne, Grande-Bretagne, Provence, etc.). La « famille » s’est progressivement agrandie pour compter à ce jour 123 membres.
Aux premiers temps du christianisme, les saints et saintes jouèrent un rôle crucial dans l’élaboration de la toute nouvelle religion. Ces femmes et hommes convertis prêts à sacrifier leurs vies dans d’horribles souffrances pour gagner une auréole, et donc une place au paradis, ne pouvaient que représenter des exemples à suivre. Dans les récits qui étaient rapportés, les tortures infligées tenaient une place importante. On retrouve là un ingrédient vieux comme le monde : la violence est un moyen de capter l’attention. Puis, pour faire prospérer cette religion, il fallait qu’elle soit en quelque sorte « décentralisée ». Alors, des légendes populaires se métamorphosèrent en histoires saintes dans toute l’Europe : le merveilleux qu’on appela « miracle » fut l’autre ingrédient indispensable à l’implantation de la foi chrétienne dans les coins les plus reculés du continent. L’autre utilisation des saintes et saints fut aussi celle de faire entrer de l’argent dans l’organisation. En effet, comme l’avaient fait précédemment les Grecs, on créa des lieux de pèlerinage grâce au système des reliques. Quelques bouts d’os suffisaient à assurer la prospérité d’un lieu. Quand on n’en avait pas, on n’hésitait pas à les voler, comme ce fut le cas pour les restes de sainte Foy, qui assurent encore aujourd’hui la richesse touristique de Conques. Pudiquement, à propos de ces larcins, on utilisait l’euphémisme « translation furtive ».
Ces récits hagiographiques remaniés par mon regard d’athée du XXIe siècle forment à présent un recueil. Son but premier est de mettre en lumière des récits souvent oubliés, mais aussi de distraire avec ces aventures où se mêlent souvent les ingrédients qui font aujourd’hui le succès des séries TV : le fantastique, le gore, les bons sentiments, l’amour... Les saintes et saints qui y sont traités relèvent d’un choix purement arbitraire, qui n’est pas lié à leur renommée ou leurs origines, mais à l’aspect pittoresque de divers éléments de leur vie.
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