Jeudi 1er octobre 2015, j'ai été
auditionné pendant 3h30 par le lieutenant Patrick L. de la PJ de Nantes, dans
le cadre de la plainte pour "injures publiques", déposée contre moi
par Brigitte Lamy, procureure de la République de Nantes. Cette affaire, qui
fait suite à un article publié le 9 avril 2015 sur mon blog [LIRE ICI], a été dépaysée au
parquet de Saint-Nazaire.
Cette
audition appelle de ma part trois réflexions.
L'affiche interdite |
1°) C'est une affiche
placardée sur les murs de Nantes les 15-16 avril 2015 qui a décidé Brigitte
Lamy à porter l'affaire devant la justice, en s'attaquant au site Nantes Révoltée, qui a reproduit l'affiche. Quelques mois plus tard, Mme Lamy p ortera plainte contre moi, en tant
qu’auteur d’un article illustré par une reproduction de ladite affiche (dont
j'ignorais qu'il s'agissait d'une affiche, mon papier étant antérieur de 6 jours au placardage).
Nantes Révoltée étant hébergé sur Facebook, les enquêteurs de la police française se sont adressé à
l'hébergeur, afin de connaître l'identité du responsable de cette page. Le
siège juridique de Facebook étant situé aux Etats-Unis, où le délit d'injures
publiques n'existe pas, Facebook a refusé de communiquer l'identité du
responsable de Nantes Révoltée. Bien que l'enquête de police ne soit pas tout à fait
terminée, la plainte de Brigitte Lamy contre Nantes Révoltée sera vraisemblablement
classée sans suite. Le seul site poursuivi reste donc le blog d’un citoyen
ayant témoigné à visage découvert, sans se camoufler derrière un alias.
2°) Dans le rapport de la
procureure de la République de Saint-Nazaire, qui instruit la plainte de sa
consœur nantaise, la totalité de mes
propos est globalement mise en cause, ce qui laisse supposer que tout l’article
serait injurieux, y compris lorsque j'écris : Lunettes customisées, boucles d’oreilles fantaisies pour
égayer le sourire un peu triste, Brigitte
Lamy pourrait être une Française ordinaire, une brave dame qui en bave
dans la vie, épicière à Vallet, boulangère à Mauves-sur-Loire, caissière à
Saint-Herblain. Une dame avec qui on serait tenté de s’attarder si on la
croisait dans la rue ou au marché, vêtue d’une blouse ou d’un tailleur vintage.
4 jeunes gens mutilés pour raison d’État |
3°) L'OPJ m'ayant auditionné m'a certifié que Quentin
Torselli (le plus gravement atteint des blessés de Nantes, qui a, rappelons-le, perdu l'usage d'un œil) se trouvait à proximité d'un groupe de
casseurs, alors que les images vidéos ont prouvé qu'il s'en tenait éloigné, qu'il
ne marchait pas et se tenait debout, les mains dans les poches. La
chose a son importance dans la mesure où elle justifie pleinement la formule à
l'emporte-pièce utilisée dans mon article : "que des jeunes gens se fassent crever un
œil dans la rue en se faisant tirer comme des lapins par des policiers, (…) des flics
fascistes qui tirent les manifestants pacifistes comme des lapins. Ce qui ne serait pas le cas si Quentin Torselli s'était trouvé dans le
groupe des "casseurs" (comme le prétend l'OPJ Patrick L., qui n'aura
de cesse de me répéter que, dans une manifestation, un agent de la force
publique "ne peut pas viser
la tête des manifestants car c'est matériellement impossible
à cause de la pression physique [de la manif] qui empêche de se concentrer."
Ce qui revient à dire que c'est totalement par hasard que les balles arrivent
à la tête. (Vital Michalon, Malik Oussekine, Rémy Fraisse et quelques autres
sont là – ou plutôt ne sont plus là, hélas – pour prouver le contraire.)
Lors de ma déposition, j'ai reconnu :
- avoir écrit
cet article par solidarité avec les victimes des violences policières, en
particulier Quentin Torselli, dont je connais la famille, dans un réflexe épidermique
de citoyen choqué que l'on puisse, en France, se faire crever un œil dans une
manifestation et que la plainte des victimes ait été classée par une procureure
dont le journal Ouest-France avait vanté "l'éthique exigeante"
- l'avoir
écrit en m'inscrivant dans une tradition de liberté d'expression volontiers
satirique, dans un pays réputé pour être celui des "droits de
l'homme"
- ne pas
avoir eu l'impression d'avoir injurié Mme Lamy, ni d’avoir porté atteinte à
l'autorité judiciaire
- m’étonner du fait qu'un magistrat, après avoir
censuré le débat sur les violences policières en classant six plaintes des
victimes de violences policières, utilise la coercition pénale à l'égard d'un
simple citoyen, ce qui provoquera la
poursuite du débat autour d'un procès
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