Longtemps, la police française, dont le savoir-faire en la matière n’est plus à prouver, tua sans discernement des gens pour le simple motif qu’ils étaient juifs, nègres, indigènes, métèques, bougnoules, selon des modes opératoires qui variaient avec les temps et les mœurs. Nos livres d’histoire sont remplis de ces cadavres.
On se souvient que le 17 octobre 1961, en pleine guerre d’Algérie, sous l’autorité du sinistre préfet de police Maurice Papon (qui partage avec l’actuel, Didier Lallement, le fait d’avoir fait ses premières armes dans la répression à Bordeaux), plusieurs centaines d’Algériens furent jetés dans la Seine – autrement dit, “noyés par balles”.
Avec le temps, la police française, à qui l’on ne saurait reprocher d’avoir de la suite dans les idées, continua à zigouiller impunément de l’Arabe, du Noir, du basané, le plus souvent dans la catégorie “jeunes rétifs des cités de banlieue”, avec de notables exceptions lorsqu’à Argenteuil en juin 2009, Ali Ziri, 69 ans, meurt étouffé dans un fourgon de police. Bon an, mal an, la police française, comme le rappela l’historien et ami Maurice Rasjfus, tue entre vingt et trente personnes. Ce qui la rend nettement moins efficace que la police états-unienne mais n’atténue en rien le scandale, doublé, pour les proches des victimes, d’une tragédie d’autant plus terrible que les affaires sont généralement classées sans suite par une justice aux ordres.
Les protestations, généralement, ne dépassent pas le cadre des familles et des associations de défense des droits humains. Dans une France où les violences policières sont un tabou majeur, on a d’autres chats à fouetter, et on a rarement vu un député s’en offusquer. On sait comment s’est terminé le procès des policiers responsables de la mort de Zied et Bouna : non-lieu. (Idem dans l’affaire Rémi Fraisse.) Le policier, on le voit tous les jours avec le délit d’outrage, est au-dessus des lois. Ces dernières années, néanmoins, la mort de jeunes gens tués par les "forces de l’ordre” cristallise des révoltes de plus en plus enracinées, on l’a vu avec la mort d’Amine Bentounsi à Noisy-le-Sec en 2012, et surtout celle d’Adama Traoré à Beaumont-sur-Oise en 2006, dans ces deux cas, grâce au combat acharné des sœurs des victimes.
Avec la répression terrible des Gilets jaunes, un cap a été franchi, amorcé sous le quinquennat Hollande – ne jamais oublier que c’est sous l’autorité suprême de ce pleutre qu’a démarré l’actuel cycle infernal des violences policières. Les flics, BAC, CRS, gardes mobiles, s’en donnent à cœur-joie, sous l’autorité mortifère de Castaner, ce répugnant “Monsieur Plus” de la matraque. Si le châtiment suprême n’est pas devenu normalité – les flics se contentent pour le moment, en se pourléchant, de couper des mains, de crever des yeux, d’estropier, de tabasser, d’humilier, de déshumaniser –, on a pu néanmoins constater que la mort d’une vieille dame de 80 ans fauchée par une grenade sur son balcon à Marseille n’avait pas entamé la détermination de Macron et de son ministre de l’Intérieur aux mains couvertes de sang, ni évidemment celle des cohortes de magistrats couchés, tel ce procureur qui couvre un flic niçois pour faire plaisir à son Macron de président dans l’affaire Geneviève Legay, et autres chiens de garde de la niche préfectorale condamnant à la chaîne du Gilet jaune, le plus souvent pour le délit le plus inique et obsolète qui soit : l’outrage.
Mais malgré le niveau des exactions, nos pandores n’en ont jamais assez ! Casser la gueule au Gilet jaune ne leur suffisait plus ! Le LBD, la lacrymo ? C’est un peu dépassé, vous ne trouvez pas ? À présent, la police française tue des jeunes gens dont le seul tort est de faire la fête. Enfin, elle en a tué un, Steve, qui vient de passer 36 jours au fond de la Loire avant de trouver le repos de la sépulture. Steve Maia Caniço. 24 ans, animateur scolaire. Mais les ogres, on le sait, ont bon appétit, et si cette affaire abominable ne débouche pas sur un événement salutaire (la démission de Castaner, à tout le moins), il n’est pas interdit de penser que la prochaine fois, quelque chose de pire encore, s’il est possible d’imaginer pire que mourir noyé à cause d’une charge policière aux lacrymogènes, va nous tomber sur le coin de la figure !
Cela se passe, et ce n’est évidemment pas un hasard, à Nantes. Nantes, ville où le pouvoir, depuis une décennie de luttes contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, expérimente des méthodes de maintien de l’ordre de plus en plus violentes. Nantes, où une procureure de la République classait sans suite en 2014 les plaintes de quatre jeunes gens éborgnés. Nantes où sévissent un commissaire et un préfet obsédés par la répression. Selon un rapport de l’IGPN (Inpection générale de la police nationale) bouclé avant la découverte du corps de Steve mais dévoilé après, épargnant la police et chargeant la mairie, et négligeant certains témoignages de l’attaque policière (témoins, victimes, secouristes), la noyade de Steve Caniço n’aurait rien à voir avec la violente charge de police ordonnée par le commissaire Grégoire Chassaing, version reprise sans vergogne à la télévision par le Premier ministre et son Premier flic.
Cela se passe, et ce n’est évidemment pas un hasard, à Nantes. Nantes, ville où le pouvoir, depuis une décennie de luttes contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, expérimente des méthodes de maintien de l’ordre de plus en plus violentes. Nantes, où une procureure de la République classait sans suite en 2014 les plaintes de quatre jeunes gens éborgnés. Nantes où sévissent un commissaire et un préfet obsédés par la répression. Selon un rapport de l’IGPN (Inpection générale de la police nationale) bouclé avant la découverte du corps de Steve mais dévoilé après, épargnant la police et chargeant la mairie, et négligeant certains témoignages de l’attaque policière (témoins, victimes, secouristes), la noyade de Steve Caniço n’aurait rien à voir avec la violente charge de police ordonnée par le commissaire Grégoire Chassaing, version reprise sans vergogne à la télévision par le Premier ministre et son Premier flic.
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