mardi 26 mai 2020

La littérature est morte, vive la littérature ! par Louise Chennevière (avec des morceaux de Reboux) (Journal déconfiné #65)

Je n’avais jamais entendu parler de Louise Chennevière, autrice d’un roman paru en 2019 chez POL, Comme la chienne. Il faut dire que depuis un certain temps, je fais un petit blocage par rapport à la littérature (pour des raisons qui nécessiteraient 107 ans de psychanalyse et un élargissement exponentiel de l’horizon de mes événements, ce dont je n’ai pas les moyens). Contrairement à bien des gens pour qui le ®Confinement fut l’occasion d’une intense période de ressourcement culturel – tel ami s’est enfilé Proust jusqu’à la garde pour la 7e fois ; tel autre trouve enfin le temps pour en finir avec les Œuvres complètes de Roger La Ferté –, je n’ai pas ouvert une seule page, sinon celles des journaux. Et de mon journal confiné, dont ce 65e épisode est l’occasion de signaler qu’il est le seul de toute la ®ConfinFrance à se poursuivre après le ®déconfinement. C’est comme ça.
Or, donc, tout comme je n’avais entendu parler de Camélia Jordana avant qu’elle n’envoie claquer le ridicule psitaccidé macronien Philippe Besson (ce sera pour le prochain épisode), je n’avais jamais entendu parler de Louise Chennevière. Et voilà qu’au sommaire de l’excellent site Lundi Matin, je remarque cette chronique au titre titilleux :

Curieux comme un matou privé de sortie depuis 55 vies, je clique, et je lis.
En voilà une question intrigante… Mais, me dis-je, quel est donc ce livre ? Le livre oublié sur la banquette ? Le livre d’or de l’hôpital de campagne de Mulhouse ? Le livre secret du verrou de Bercy ?  Le livre de comptes secrets de Darmanin ? Le livre des morts du Covid ? Une anthologie des infirmières, médecins, aide-soignantes, caissières morts au champ d’horreur, avec une préface d’Agnès Buzyn ? Pas du tout. Il s’agit bien du Livre. Le grand. Le seul qui vaille. Celui qui s’accorde avec la Littérature. Il s’agissait ni plus ni moins, figurez-vous d’un appel au petit faucheton de l’Élysée pour sauver le livre ! Des vœux pieux, j’en ai vus, mais des comme ça…
Continuons donc notre lecture. Après une citation de Perec en exergue, cela démarre ainsi :

Peu après, cette incise sur « l’écrivain  » :
Grand chambardement sous mon crâne quand je lis une phrase comme celle-là (qui me libère d’un poids énorme ; combien de fois me suis-je entendu penser : « Tu ne l’avoueras jamais, JJ, mais tu écris parce que tu es un gros fainéant ! Et c’est pour ça que tes livres sont (presque) tous publiés par des éditeurs qui se foutent de ta gueule : ils sentent que tu es un gros cossard, pas prêt à colporter les valeurs simples du best-salariat»)
Interloqué, je poursuis ma lecture, en picorant. (Principe des tribunes sur le Web : d’abord, on picore, après, on lit.)





Et je repense à cette supplique envoyée au président pour qu’il sauve le livre…
Ce qu’il convient de dire à Macron tient en 9 mots.
Quelque chose dans la présente tribune, qui m’avait été transmise avant sa publication, et que je n’ai pas signée parce que j’ai autre chose à foutre qu’écrire à Macron (à part les 9 mots ci-contre), m’avait chagriné, que je m’en vais vous expliquer.
Succintement, car Louise Chennevière le dit beaucoup mieux que moi, avec des arguments auxquels je n’avais tout simplement pas pensé. (Je me fais vieux, et le ®Confinement n’a rien arrangé.)
S’il me paraît évidemment crucial que l’État vînt en aide aux libraires, menacés de péril par le ®Confinement et aux éditeurs* (pas tous, faut pas exagérer), au même titre que les intermittents du spectacle (espèce en voie de disparition, sauf au Puy-du-Fou), j’ai un peu de mal à saisir ce que viennent faire les auteurs dans cette supplication – au passage un peu trop respectueuse de son destinataire, dont on sait qu’il se fout comme de sa première-pipe-dans-sa-chambre-d’ado-de-la-rue-Gaulthier-de-Rumilly** de la situation des auteurs, des éditeurs, des libraires, étant donné que ce monsieur se fout à peu près de tous les habitants de notre pays, à l’exception notable de ceux qui ont du pognon ou de ceux qui le claquent au Puy-du-Fou. Mais passons.

Louise Chennevière lit la page 248 de Comme la chienne

Comment, m’exclamé-je, les malheureux écrivains – que rien n’empêcha de continuer à écrire pendant les 55 jours du pékin, que je sache –, pourraient-ils être lésés par la fermeture des libraires ?  Quelque chose m’échappe. Touchent-ils leurs droits d’auteur tous les 10 du mois ? Leur rétribution est-elle indexée sur le chiffre d’affaires de leurs éditeurs ? Si l’État venait à débloquer du pognon pour payer les auteurs, comme cela semble être souhaité, comment se ferait la répartition ? Au prorata des droits d’auteurs déjà versés ? (Ce qui reviendrait à dire que les grandes plumes de la littérature que sont MM. Musso, Levy et Bucci seraient les premiers servis ?) On voit bien que quelque chose ne va pas dans cette affaire. S’il existe, effectivement, un problème structurel pour les auteurs (droits d’auteur ridicules, non-respect des contrats, dilettantisme, voire malhonnêteté intrinsèque du milieu de l’édition vis-à-vis des “petits auteurs” – dont je fais partie –, etc.), il n’a strictement rien à voir avec les conséquences du confinement, ces façons de jérémiades vis-à-vis du Pouvoir me fatiguent, il faut peut-être arrêter de déconner… (Mon double, qui m’a bien pris la tête durant le ®Confinement, me murmure à l’oreille : « Fais gaffe, 2J, tu ne vas pas te faire que des amis dans le Landerneau en disant ça… »)
  Mais assez parlé ! Je vous laisse lire la tribune de Louise Chennevière, jeune autrice de 26 ans au talent prometteur, dont je vais m’empresser de commander le premier roman, Comme la chienne, chez mon libraire préféré, afin de le déguster, tranquillement.

* La SOFIA (Société française des intérêts des auteurs de l’écrit), qui gère les droits de prêt en bibliothèque, l’a déjà fait en versant avec deux mois d’avance (mai au lieu de juillet) la rémunération due au titre de la copie privée numérique, qui n’est pas négligeable (1.480 € pour une minuscule maison d’édition comme Après la Lune).
** Paisible rue du quartier résidentiel d’Amiens où le jeune Emmanuel apprit l’école de la vie, sous la  houlette de celle qui allait devenir sa (très) chère épouse.


Louise Chennevière parle de Comme la chienne

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